Algérie: l'enfer des journalistes

DR

Le 13/11/2018 à 08h00, mis à jour le 13/11/2018 à 08h02

Depuis quelques temps, notamment avec la perspective d'une candidature à un cinquième mandat pour Bouteflika, les journalistes sont la cible du régime. La semaine dernière, trois d'entre eux ont été libérés, mais le calvaire se poursuit pour d'autres.

Hier dimanche 11 novembre, le calvaire de Saïd Chitour, journaliste de son état, a pris fin, après 18 mois passés en prison. En effet, le fixeur algérien, qui était poursuivi pour "intelligence avec l'étranger" avait été condamné par la justice de son pays à une peine de 16 mois de prison ferme et un an avec sursis. Ayant déjà passé deux mois de plus que la durée de sa condamnation, il a finalement retrouvé sa famille. 

C'est un Saïd Chitour malade et affaibli qui a comparu hier à la barre, avec une tumeur à la nuque qui a visiblement augmenté de volume. D'ailleurs, certains pensent qu'il doit sa libération à son état de santé, notamment l'un de ses trois avocats venus plaider sa cause.

"Ils l’ont détruit, maintenant il faut qu’ils le laissent se soigner", estime Me Khaled Bourayou. 

Car l'objectif était justement de détruire un homme qui ne faisait que traduire des articles déjà paru dans des journaux.

"Je n’ai fait que reprendre des articles déjà parus dans des quotidiens, que je traduisais en anglais. Je n’avais ni scoop, ni exclusivités. Mes infos, je les obtenais par la presse", a déclaré Saïd Chitour devant le juge.

Et en effet, le procureur n'a pas réussi à prouver une once de sa culpabilité, ni en présentant des documents, ni même par des témoignages.

Les 18 mois qu'a passés Saïd Chitour en détention ont néanmoins permis à l'Armée nationale populaire (ANP), mais surtout aux futurs exploitants des gaz de schiste algériens d'avoir un précieux répit d'une année et demi pour mener à bien leur projet.

Et si ceux qui l'ont mis en prison n'avaient pas peur de voir sa santé se dégrader, Saïd Chitour y serait encore. 

Il faut savoir qu'en Algérie, le cas de ce journaliste-fixeur est loin d'être isolé.

En effet, la semaine dernière, cela a été au tour de deux journalistes d'Algérie Part, Abdou Semmar, éditeur de ce site d'information et Merouane Boudiab, son administrateur, d'être remis en liberté.

Ils ont été relaxés par la justice après 15 jours de détention. La plainte qui leur a valu cette privation de liberté a été déposée plusieurs heures après leur interpellation, ce qui laisse penser qu'il s'agirait d'une simple mise en scène pour faire taire ou intimider les journalistes de ce média, très critiques contre le régime.

"Merouane Boudiab a été mis en mandat de dépôt sans qu’aucune plainte ne soit enregistrée contre lui, mais simplement parce qu’il travaille à Algérie Part", précise le site après la libération des concernés. 

Ces évènements viennent tristement rappeler le décès en décembre 2016 du journaliste Mohamed Tamalt, qui avait été condamné pour outrage au président et aux institutions.

En conséquence, la société civile et les syndicats, mais aussi les avocats, se mobilisent pour libérer tous les journalistes actuellement détenus.

C'est le cas de Adlène Mellah, directeur du site Dzaïr,qui, lui, a eu moins de chance que ses confrères d'Algérie Part.

Poursuivi à la fois par la Chaîne Ennahar, le wali d'Alger et le groupe Condor, Mellah s'est vu refuser sa demande de mise en liberté ce dimanche par le tribunal d'Alger... 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 13/11/2018 à 08h00, mis à jour le 13/11/2018 à 08h02