Vidéos. Algérie: dans la pure tradition stalinienne, les médias priés de fermer les yeux sur la pénurie d'oxygène

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Le 30/07/2021 à 13h27

VidéoAlors que les médias locaux ne parlaient pratiquement pas de la grave pénurie d'oxygène, laissant cette tâche risquée aux réseaux sociaux, voilà qu'ordre leur est donné d'en faire encore moins. Ce qui signifie qu'ils doivent désormais faire profil bas et ne surtout pas en faire leurs choux gras.

Alors que le monde entier s'émeut de la situation sanitaire en Algérie et des difficultés rencontrées par le peuple algérien pour se procurer de l'oxygène médical, les autorités demandent aux médias de regarder ailleurs.

C'est très officiellement que l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (ARAV) a prié les médias de "s'acquitter de leurs missions envers les téléspectateurs, en évitant de se concentrer excessivement sur les nouvelles négatives et les histoires tragiques liées à la contamination au Covid-19". Toujours dans le même document, le gendarme de l'audivisuel demande aux responsables des chaînes et des informations d'"éviter la dramatisation et l'effroi dans les discours".

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Joseph Goebbels, le fameux ministre chargé de la propagande nazie n'aurait sans doute pas fait mieux. Et on ne peut faire plus fidèle à la tradition de propagande inspirée des régimes staliniens.

Et pour justifier le fait d'inviter les médias à se détourner de la réalité, l'ARAV estime que pareilles informations sèment "la crainte, la hantise et le désespoir au sein de la société, et la situation devient encore plus difficile à traiter". Selon elle, les médias doivent "faire preuve de pondération dans la couverture, et d'exactitude dans la diffusion des informations ou des images", surtout si les réseaux sociaux "constituent une source principale d'information".

L'ojectif principal de ce communiqué n'est pas de faire en sorte que les médias contribuent, par leur professionnalisme et leur respect de la déontologie, à faire prendre conscience aux téléspectateurs et auditeurs sur la gravité de la situation pandémique, afin qu'ils respectent les mesures barrières et que se rompent les chaînes de transmission. Son seul but est de mettre la poussière sous le tapis, alors que le peuple en paie les pots cassés, même si la faute incombe aux seules autorités gouvernementales que cherche à protéger l'ARAV.

Pendant ce temps, la situation est des plus graves. C'est ce qui a fait que des médias étrangers ont commencé à s'y intéresser de près. Pas plus tard que ce matin, la chaîne française France24 a consacré au sujet de la pénurie d'oxygène un reportage diffusé dans son journal. Et, hier, c'était le site Africanews qui l'évoquait également.

Car, d'après les médecins qui paient un lourd tribut à la pandémie et qui ne croient plus aux chiffres communiqués par le ministère de la Santé, l'Algérie enregistre quotidiennement entre 25.000 et 30.000 nouveaux cas d'infection. C'est ce qu'a affirmé en début de semaine, le professeur Réda Djidjik, chef de service d’immunologie au CHU de Beni Messous, qui estime qu'"il faut multiplier par 30 le nombe de nouveaux cas quotidiens communiqués par le ministère pour avoir les chiffres réels".

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Au niveau du corps médical, d'après le docteur Lyes Mrabet, président du Syndicat national, les praticiens de le santé publique (SNPSP), interrogé par El Watan dans sa livraison du jeudi 29 juillet, quelque "24 médecins ont perdu la vie à cause du Covid-19 en 24 jours". Selon lui, le cumul du personnel médical emporté par le Covid-19 est de 340 dont 200 médecins.

Il est clair que, jusqu'ici guidées par le souci de minorer l'ampleur de la pandémie, les autorités sanitaires ont donné des chiffres nettement plus bas, concernant les contaminations qui ne seraient que de 168.000 depuis le début et les morts de 4.161 seulement à ce jour. Or, n'ayant pas les chiffres réels, beaucoup peuvent avoir tendance à se dire que le pays est à l'abri, d'où le drame actuel.

La défaillance des autorités n'est pas seulement sur le plan communiicationnel puisque, depuis le début de la pandémie, rien n'a été fait à la mesure de la gravité du Covid-19, ni les tests RT-PCR, ni l'approvisionnement en produits médicaux et de protection et encore moins en vaccins.

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Quand, vers la fin de 2020, tous les pays se lançaient dans une course pour passer commande en doses de vaccin, les autorités algériennes avaient clairement dit qu'elles attendraient d'être sûres des effets et qu'elles n'allaient pas prendre les Algériens pour des cobayes. Du coup, le pays a rencontré d'énormes difficultés pour s'approvisionner. A cela s'est ajouté l'absence d'organisation et un terrible déficit de communication pour que la campagne de vaccination se déroule normalement.

De sorte que six mois après le démarrage de la vaccination, en janvier dernier, l'Algérie ne compte que 3,5 millions de personnes ayant reçu au moins une dose, d'après le Premier ministre Aïmen Benabderahmane, qui s'exprimait hier jeudi 29 juillet.

Selon lui, son pays a reçu à ce jour 9 millions de doses de vaccins - russe (Spoutnik), suédo-britannique (AstraZeneca) et chinois (Sinovac et Sinopharm) - et en recevra 9,2 millions supplémentaires en août.

Pendant ce temps, le Maroc a déjà vacciné, en deux doses, plus de 10 millions de personnes, alors que 3,3 millions de personnes sont dans l'attente de recevoir leur deuxième vaccin, soit un total de plus de 13,3 millions de personnes.

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Concernant le déficit d'oxygène, officiellement, il n'existe pas, puisque les autorités répètent à qui veut l'entendre que le pays dispose d'une capacité quotidienne de 440.000 litres d'oxygène liquide, soit plus de 4 millions de litres d'oxygène gaz. Saut qu'encore une fois, la situation dans les hôpitaux, y compris ceux de la capitale dit le contraire, puisque chaque jour sont postées de nouvelles vidéos par les proches des malades et des victimes, mais aussi par les médecins qui réclament de l'oxygène.

Les médecins expliquent cette situation par l'abense d'anticipation de la troisième vague, mais également par les défaillances du circuit d'approvisionnement. Puisqu'il ne suffit pas seulement de produire de l'oxygène liquide, il faut les citernes et les bonbonnes pour l'acheminer vers les hôpitaux et il faut aussi qu'au préalable les lits soit équipés pour que les malades soit correctement oxygénés.

Or, les grands hôpitaux publics ne se sont pas préparés et les générateurs d'oxygène médical, plus faciles d'utilisation, manquent cruellement. Mais, comme toujours, le Premier ministre y va de ses promesses. Quelque 160.000 lits oxygénés seront importés et dix autres unités de production d'une capacité pouvant aller jusqu'à 40.000 litres d'oxygène liquide par jour.

Pourvu que tout ceci soit livré avant que l'inévitable n'arrive.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 30/07/2021 à 13h27