Du statut de véritable ”VIP” au temps du gouvernement dirigé par Abdelmalek Sellal, et bien avant, Ali Haddad, le président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), le patronnat algérien, est devenu subitement un homme infréquentable trainant des casseroles avec des marchés publics de gré à gré et des financements bancaires obtenus de manière louche.
Pour lui, malheureusement l’heure des comptes a sonné. Et l’homme d’affaires qui dirige le puissant conglomérat ETRHB Haddad risque gros avec les mises en demeure lancées par le gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune, suite aux ordres reçus du président Bouteflika, afin que les hommes d’affaires algériens ayant obtenu des marchés publics puissent terminer leurs chantiers engagés dans un délai de 60 jours. Au delà, le gouvernement se garde le droit de résilier les contrats avec l’entreprise d’Ali Haddad et pousser ce dernier à rembourser les avances reçues pour la réalisation des projets concernés tout en supportant des pénalités.
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Et fort de la directive du président, Tebboune affirme qu’il va appliquer «la loi dans toute sa rigueur. Je vais aller jusqu’au bout». Et afin de montrer que ce n’est pas tout le monde qui est visé, Tebboune soutient que son gouvernement «veut travailler avec le FCE et avec tous les patrons qui respectent les règles et la loi».
Reste à savoir pourquoi c’est Ali Haddad seul qui semble focaliser l’attention du gouvernement alors que les hommes d’affaires ayant bénéficié des largesses des précédents gouvernements ne sont pas inquiétés. Pire, les scandales révélés par la presse algérienne ces derniers jours dont l’achat du fils du PDG de la puissante Sonatrach de plus de 72.000 hectares en Espagne ne semble point émouvoir le gouvernement Tebboune qui parle pourtant de sorties de devises et de transferts illégaux de devises.
C’est dire que l’opération «mains propres» de Tebboune est sélective. Et dans un environnement où les corrupteurs se la disputent aux corrompus, il vise surtout à casser les ailes de ceux qui sont devenus ou croient être devenus puissants et qui ne se contentent plus de gérer leurs affaires mais interfèrent dans le champ politique.
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Ainsi, si des retards sont accusés dans la livraison de nombreux projets, c'est surtout faute de financement à cause d'un manque de liquidités suite à la baisse des recettes pétrolières.
C'est pourquoi le caractère sélectif de cette opération montre bien qu’elle entre dans le cadre global d’une guerre de positionnement de clans pour la succession du président Bouteflika. Certains acteurs économiques et politiques créés et/ou soutenus jusqu'à présent par le gouvernement ne semblent plus être en odeur de sainteté.
L’objectif visé est de porter tout autour des cercles puissants qui gravitent autour de la présidence –armée, milieu d’affaires, politiques, etc.-, des personnages plus dociles, loin des projecteurs et qui ne feront pas ombre aux prétendants à la succession.
L’élection présidentielle de 2019 se prépare dès maintenant. Et si Bouteflika compte se présenter, certaines personnalités du sérail n'hésitent plus à avancer le nom de son frère en cas d’empêchement. D'où la nécessité de défricher le terrain pour qu'une telle éventualité se produise sans anicroche.
Ainsi, après la purge au sein de l’armée avec notamment le départ du général Taoufik, que d’aucuns croyaient super-puissant, avec Haddad, c’est un ponte du milieu d’affaires qui est désormais ciblé avec la bénédiction, semble -t-il de l’armée,...! Reste qu’avec le général Gaïd Salah rien n’est joué d’avance.