A quelqu'un lui ayant rendu visite et qui n'aurait pas résisté à l'envie de lui poser la question sur son avenir à la tête de l'Etat, le président algérien aurait répondu avec un humour qu'on ne lui connaissait pas: "Moi je sais. Et Dieu, un peu". Cette anecdote que rapporte le magazine Jeune Afrique (JA), en dit long sur la volonté de Bouteflika de faire patienter et la Faucheuse et tous ceux qui réclament à hue et à dia qu'il "abdique", tel un roi impotent.
Deux grands moments de télévision, l'un récent et l'autre tourné il y a quelques mois lors de la visite du président Denis Sassou Nguesso, montrent à suffisance son attachement au pouvoir, si tant est qu'il puisse décider de la mise en scène à laquelle ont eu droit les Algériens.
En effet, nous sommes le 6 septembre et Bouteflika offre trois secondes d'apparition à la télévision algérienne. Assis sur sa chaise, entouré de ministre de son nouveau gouvernement, tous au "garde-à-vous", explique JA, il foudroie de son "regard noir, perçant, presque venimeux" l'Algérie entière et en particulier ceux qui souhaitent sa mort ou son départ.
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Ces trois secondes d'images dignes d'une scène holliwodienne sont probablement passées par le filtre de la communication présidentielle si soucieuse de l'image à vendre aux Algériens, pas seulement aux politiciens ou aux militaires candidats à sa succession, mais aussi aux intellectuels, aux universitaires et aux membres de la société civile, de plus en plus nombreux à faire entendre leur voix pour exiger le départ du maître du Palais d'El Mouradia. Tout dans ces trois secondes, tout dans ce regard foudroyant disait clairement: "Moi je sais. Et Dieu qu'un tout petit peu".
L'autre scène, fin mars dernier, la présidence algérienne la doit à la sagesse de Denis Sassou Nguesso, qui en bon africain sait devoir un respect sans borne à toute personne âgée. Le président congolais avait accepté que les caméras de télévision le présentent avec Bouteflika assis à son côté. Les deux chefs d'Etat n'ont pas été montrés en train d'échanger. Bouteflika, comme c'est de plus en plus souvent le cas, ne pouvait compter que sur un regard hagard et sur le mouvement du bout de ses doigts pour prouver qu'il était bien là.
Depuis quelques mois, les faits s'accumulent, tendant à accréditer la thèse de l'incapacité physique de Bouteflika à gouverner. Plus de quarante ambassadeurs étrangers attendent de lui présenter leurs lettres de créances, ce qui n'est pas un simple exercice de protocole. Sans cela, ils ne sont malheureusement pas investis de leur mission. Plus aucun chef d'Etat ne veut se rendre à Alger. Récemment, beaucoup ont annulé leur visite prévue comme la Chancelière allemande Angela Merkel et le président iranien Hassan Rohani.
Nicolas Maduro, qui a transformé une escale technique en visite d'Etat, n'a finalement pas pu s'entretenir avec son homologue. Vu la nature des relations entre les deux pays qui se disent "partenaires" et "amis", le fait que Maduro ait prolongé son séjour de 24h sans rencontrer Bouteflika suffit à indiquer l'état de santé de ce dernier.
Il faut peut-être se résoudre à l'idée que seule l'envie de son entourage de le maintenir en place garde le président Bouteflika à son poste. Aujourd'hui, c'est peut-être lui "qui ne sait qu'un peu" quand son heure sonnera.