Algérie: des temps incertains s'annoncent après la purge des hauts gradés de l'armée

Le général Gaïd Salah est-il l'homme qui tire les ficelles concernant le limogeage des chefs de la police et de la Gendarmerie?

Le général Gaïd Salah est-il l'homme qui tire les ficelles concernant le limogeage des chefs de la police et de la Gendarmerie? . DR

Le 19/08/2018 à 12h07, mis à jour le 20/08/2018 à 11h34

Le chef d'état-major de l'Armée algérienne Gaid Salah se laissera-t-il faire après cette vague de limogeage qui vient d'emporter deux de ses plus puissants généraux? Visiblement, l'entourage du Président invisible est prêt à tout pour s'obtenir ce cinquième mandat.

Ahmed Gaid Salah a beau être le chef d’état-major général des armées, son titre de vice-ministre de la Défense est là pour lui rappeler qu'il est le subalterne et Bouteflika, en tant que ministre de la Défense, le grand chef. La purge qui vient de toucher l’institution qu’il dirige est un message qui lui est directement adressé pour le lui rappeler. C'est un exercice dangereux, mais visiblement Bouteflika et son clan tiennent tellement au cinquième mandat, qu'ils sont prêts à prendre le risque de plonger le pays dans une période d'incertitudes. 

Beaucoup estimaient que l'armée allait échapper à la purge en cours dans l'appareil sécuritaire. Mais, en mettant fin aux fonctions de deux généraux-majors qui, plus est, sont chefs des deux plus importantes régions militaires du pays, Abdelaziz Bouteflika ou ceux qui signent les décrets à sa place montrent qu'ils sont prêts à tout pour rester à la tête du pays. Vendredi 17 août, Habib Chentouf et Saïd Bey, qui étaient jusqu'ici à la tête de la première et deuxième régions militaires ont été démis de leurs fonctions.

Or, prévient le quotidien El Watan, "En Algérie, la nomination ou le limogeage d’un haut gradé de l’armée est un fait politique majeur". Ajoutant que: "l’équilibre politique du sérail dépend, dans une certaine mesure, de l’équilibre militaire. Si ce nouvel épisode illustre, si besoin est, toute la fragilité des puissances acquises au sein de l’institution militaire, il renseigne également sur la «nervosité» qui caractérise «la maison du pouvoir»". 

Bouteflika, l’invisible président et les siens, ces avides de pouvoir, sont donc on ne peut plus "nerveux", à l'approche de l'annonce officielle de "leur" candidature à un cinquième mandat à la présidence de la république. Il y a de quoi avoir une certaine fébrilité, puisqu'une infinité de questions restent en suspens, lesquelles dépendent des relations entre El Mouradia et la grande muette et du jeu de dupe qui en découle. 

La première et la plus lancinante interrogation est celle de savoir si cette purge touchera ou pas le général Ahmed Gaïd Salah, tout puissant chef d'état-major général des armées. Visiblement, ces limogeages sont une manière d’exhiber le fragile pouvoir encore entre les mains du clan Bouteflika.

Gaïd Salah dont les ambitions présidentielles sont un secret de Polichinelle était-il au courant du limogeage des deux généraux? C'est là, une deuxième question dont la réponse apporte un éclairage sur le risque que le clan Bouteflika est prêt à prendre.



Néanmoins au final, ne s'agit-il pas d'une simple gesticulation de la présidence qui veut donner l'illusion qu'elle a toutes les cartes en mains, tout en continuant à envoyer un message d'apaisement à Gaid Salah? Car, il est établi que l'un au moins des deux généraux entretenaient des relations tendues avec Ahmed Gaïd Salah. Saïd Bey, qui a eu à diriger plusieurs autres régions militaires, et qui a toujours été cité parmi les remplaçants potentiels du chef d'état-major, n'a jamais réellement accepté l'autorité de son supérieur hiérarchique. Ce n'est pas la première fois, puisque le chef de la Police limogé dans cette purge sans fin, Abdelghani Hamel, non plus n'avait pas d'excellentes relations avec Gaid Salah. Leur départ est, peut-être, vécu par Gaid Salah comme une sorte de victoire.

C'est dire que la présidence algérienne est en train de mener un double-jeu. Par cette stratégie consistant à manier le clair-obscur, chercherait-elle à savoir si Gaid Salah se laissera faire ou pas? Ou bien veut-elle faire en sorte que le puissant chef qui tient l'appareil militaire de main de maître baisse sa garde? 



En tout cas, cette purge pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Néanmoins, il y a deux certitudes qui en découlent. La première c'est que l'entourage de Bouteflika est prêt à tout pour obtenir ce 5e mandat. L'autre évidence c'est qu'en Algérie, on s'achemine plus que jamais, vers des temps incertains. L'équilibre politique est plus que jamais instable et pourrait basculer dans un sens comme dans un autre. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 19/08/2018 à 12h07, mis à jour le 20/08/2018 à 11h34