La vague de limogeage des hauts responsables militaires et politiques algériens connaît son premier résistant, en la personne de Saïd Bouhadja. Le président de la Chambre basse du parlement algérien tient tête aux députés de la majorité qui ne parviennent toujours pas à se débarrasser de lui. En effet, les députés du Front de libération nationale (FLN), le parti de Bouteflika, ceux du Rassemblement national démocratique (RND), parti du Premier ministre Ahmed Ouyahia et tous ceux qu'ils comptent comme alliés dans la majorité ont officiellement demandé sa démission. Mais du haut de son perchoir, Bouhadja les nargue tous autant qu'ils sont, y compris le président algérien lui-même. Il distille tranquillement ses réponses narquoises par voie de presse interposée. Ce matin, il a sorti une énième phrase qui montre qu'il joue la montre tout en poussant ses désormais adversaires à bout.
"Il faut d’abord que je sache s’il s’agit d’une démission ou d’un limogeage. Il faut qu’on me l’explique, je demande à être convaincu. La démission est un acte volontaire. Je m’accorde deux à trois jours de réflexion", a-t-il déclaré au site Tout sur l'Algérie qui est devenu le canal par lequel il répond.
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Il s'agit, bien entendu, d'un limogeage déguisé. Mais par cette déclaration, Bouhadja veut montrer à ses détracteurs, notamment l'entourage de Bouteflika, que seul le chef de l'Etat est en mesure de lui demander qu'il présente sa démission. Or, il sait mieux que quiconque que le président algérien n'est pas en mesure de l'appeler devant lui et d'échanger avec lui. par conséquent, il continuera à profiter du système jusqu'à ce que Saïd Bouteflika sorte d'autres armes politiques.
Mais qui est donc cet homme contre qui tous les apparatchiks se sont ligués, sans pouvoir le chasser de ce perchoir de l'assemblée nationale populaire (ANP)? En mai 2017, l'installant pour son mandat actuel de président, Djamel Ould Abbès, qui s'égosille actuellement contre lui, avait pourtant reconnu en l'homme un "moudjahid". Un terme qui en Algérie signifie à la fois légitimité et droit à la reconnaissance.
Bouhadja a 80 ans, dont 50 passé en tant que militant de l'ex-parti unique algérien, le FLN. Depuis 2017, il est à la tête de l'ANP dont on cherche à le chasser. Au sens de la Constitution algérienne, c'est le troisième homme le plus important dans l'ordre protocolaire. Et si Bouteflika venait à être déclaré incapable il ferait donc théoriquement partie des prétendants à la succession, lui venant juste après le président de la Chambre haute, Abdelkader Bensalah. C'est pourquoi, il est peut-être important aux yeux de ceux qui ont manigancé la plus importante purge jamais constatée dans un pays africain ou arabe de se débarrasser de lui.
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Il n'a pratiquement jamais occupé un poste aussi important que celui de président du Parlement. Il a eu à présider la commission des relations extérieures de l'ANP avant d'être désigné porte-parole du Parti et responsable des relations avec la presse. Avant cela, il est passé à la tête de plusieurs wilaya. Il ne devait donc pas être un foudre de guerre. Mais au vu des derniers développements des évènements, c'est ce que pensait l'entourage de Bouteflika, au point de fomenter cet énième coup de force en quelques mois.