2018 a été riche en rebondissements qui montrent toute la fébrilité de l'entourage de Bouteflika, qui se sait poussé vers la sortie par la contrainte constitutionnelle de la tenue de l'élection présidentielle en avril 2019. Du coup, plus cette échéance approche, plus ce cercle obscur qui s'est accaparé du pouvoir redouble d'imagination pour se sortir du piège qui tend à se refermer. Au passage, ces régents qui gouvernent à la place d'un président frappé d'une évidente incapacité n'hésitent pas à sacrifier ceux qui se mettent au travers de leur chemin, quelquefois après s'être servis d'eux.
Depuis le début de l'année, on distingue nettement trois phases définies par l'entourage de Bouteflika, trois actes qui reflètent clairement toute son hésitation et tout son amateurisme dans la forfaiture qu'il prépare.
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Au début, il s'agissait de défendre, avec beaucoup de hargne, l'idée saugrenue d'un cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika. Les tenants de cette bizarrerie algérienne avaient fait fi de l'état de santé du chef de l'Etat. Un président Bouteflika qui n'a plus directement parlé aux Algériens depuis 2013, qui n'a accrédité aucun ambassadeur étranger durant les 6 dernières années, qui ne se déplace qu'en chaise roulante et qui n'apparaît plus à la télévision que pendant quelques secondes. Mais un chef d'Etat dont l'entourage affirme mordicus qu'il est toujours aux commandes.
Cependant, c'est parce qu'ils sont les seuls à croire que Bouteflika gouverne, qu'ils ont laissé Djamel Ould Abbès, alors secrétaire général du Front de libération nationale, porter cette idée de 5e mandat. L'homme est connu pour ses clowneries et ses déclarations fracassantes, et l'entourage de Bouteflika n'hésitera pas à s'en servir pour l'écarter définitivement.
Aussi étonnante quelle ne paraît, cette idée a fait son chemin, amenant des soutiens de tous bords à y apporter leur grain de sel. Des religieux, des politiques, des syndicalistes et autres hommes des médias que le pouvoir a dans sa poche l'ont défendue. Ce qui a amené Djamel Ould Abbès à déclarer officiellement que Bouteflika était bel et bien le candidat du parti au pouvoir.
Le deuxième acte a été le lancement d'une notion créée de toutes pièces: "la continuité". Pendant près de deux mois, ils ne parlaient plus que de cela. Après que le même Ould Abbès a appelé à faire la nuance entre "candidature" à un cinquième mandat et "poursuite d'une mission", l'idée d'une continuité a été relayée par beaucoup.
Sans se soucier de la forme légale à lui donner, les alliés du FLN, en l'occurrence le Rassemblement national démocratique (RND) et le TAJ (Espoir de l'Algérie) ont également tenu un discours analogue. Pas plus tard qu'il y a une dizaine de jours, le 15 décembre, c'est Mouad Bouchareb, président de l'Assemblée nationale populaire, mais aussi remplaçant de Ould Abbès à la tête du FLN, qui a tenu le même discours.
Cette "continuité" est aussi floue que le cinquième mandat est loufoque. Cependant, elle présente l'avantage pour ceux qui ont accaparé le pouvoir de ne pas obliger Bouteflika à mener une campagne et à gambader de wilaya en wilaya, de commune en commune pour défendre son bilan. De plus, que répondra-t-il si la jeunesse algérienne lui demandait pourquoi elle n'a pas voix au chapitre? Ou que les ménages lui demandent ce qu'il adviendra de l'Algérie si les cours du pétrole restent autour de leur niveau actuel de 50 dollars le baril? Ou encore que les retraités, dont les caisses présentent un déficit annuel de 600 milliards de dinars, s'inquiètent de leur avenir?
Dès lors, il reste la lancinante question de savoir quelle forme juridique pourrait-on donner à cette "continuité". L'imagination débordante des apparatchiks s'oriente désormais vers la convocation d'une conférence nationale souveraine, similaire à celle à laquelle avait appelé le Bénin de Mathieu Kérékou au début des années 1990. Il s'agira ainsi de demander à toutes les forces vives de réfléchir sur une réforme constitutionnelle. Ceux qui participeront à cette conférence serviront de faire-valoir à une décision déjà prise qui consiste à imposer un référendum aux Algériens. Et entre la conférence et le référendum, il est évident que l'élection présidentielle ne pourra pas se tenir. Et dans cette nouvelle constitution, tout pourra y figurer. Absolument tout, y compris un nomination du type Habib Bourguiba ou Houphouët Boigny: "une présidence à vie".