Algérie: Ouyahia brandit l’épouvantail syrien pour faire peur aux manifestants

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.. DR

Le 28/02/2019 à 14h25, mis à jour le 28/02/2019 à 14h47

Les manifestations contre le 5e mandat de Abdelaziz Bouteflika ébranlent le système algérien. En attestent les réactions teintées de menaces de la classe politique et la hiérarchie militaire. Le chaos syrien est donc brandi par les dirigeants pour dissuader les manifestants. Etrange rapprochement...

«Les citoyens ont offert des roses aux policiers, c’est beau, mais je rappelle qu’en Syrie, ça a commencé aussi avec les roses», dixit Ahmed Ouyahia, le Premier ministre algérien, qui répondait aux questions des députés de l'APN, lors de sa déclaration de politique générale du gouvernement. En brandissant l'épouventail syrien, le Premier ministre tente de faire peur aux manifestants.

De fait, cette sortie a suscité un véritable tollé auprès des députés de l’opposition, qui ont immédiatement et vigoureusement protesté. Même des députés élus aux couleurs du parti du Premier ministre ont montré leur mécontentement devant ce parallèle fait par Ahmed Ouyahia, qui prouve avant tout la panique des dirigeants algériens.

Du coup, des députés ont même quitté l’hémicycle. Face à cette réaction de ces élus de la nation, Ahmed Ouyiahia n'a pas hésité à en ajouter une couche de plus: «je leur dis la vérité et ils se lèvent pour confirmer qu’ils veulent le chaos».

La réaction de Ahmed Ouyahia est similaire à celle de certains membres de ce régime politico-militaire, devant les manifestations contre un cinquième mandat voulu pour le président Abdelaziz Bouteflika (ou plutôt son entourage car le candidat n'est pas en mesure de prendre une décision), de nombreux mouvements de foules en colère, qui ébranlent le pays depuis le 22 février 2019.

Et si Ahmed Ouyahia a reconnu que ces manifestations étaient pacifiques et qu’il s’agissait là d’un droit constitutionnel, il n’a toutefois pas hésité à menacer les manifestants, en leur rappelant la sombre histoire traversée par le pays, en proie à des violences meurtrières à partir de 1991, lesquelles ont duré dix ans, qualifiés de "décennie noire". 

Malgré sa comparaison à cette période sombre de l'histoire récente du pays, et surtout au rapprochement fait avec le chaos syrien, Ouyahia a très paradoxalement juré ne pas vouloir faire peur aux Algériens.

Pour le Premier ministre, il y a là une main étrangère à l'origine de ces manifestations.

Derrière ces appels à manifester, il y a des «milieux étrangers» qui poussent les Algériens «à bouger, à commenter, à dire que le peuple algérien s’est réveillé», souligne-t-il...

Ahmed Ouyahia fustige donc, en conséquence, les appels dont il souligne le caractère «anonyme» à manifester, en s’interrogeant: «pourquoi se cacher?».

Cette sortie du Premier ministre algérien intervient après celle de Ahmed Gaïd Salah, vice-minsitre de la Défense et chef d'Etat-major, lequel, quant à lui, n'a pas manqué de fustiger et de menacer les manifestants. Visiblement l'establishment algérien est dépassé par les événements. Et il panique devant l’ampleur des manifestations prévues dans la journée du vendredi 1er mars.

Par Karim Zeidane
Le 28/02/2019 à 14h25, mis à jour le 28/02/2019 à 14h47