Quelques heures seulement après lecture donnée à la télévision de la lettre du président Abdelaziz Bouteflika, le peuple algérien a réagi.
La lettre du président Bouteflika a embrassé la rue algérienne avec des manifestations spontanées dans plusieurs villes algériennes. Ainsi, la nuit du dimanche à lundi a été particulièrement agitée au niveau de la capitale où les algérois se sont retrouvés instantanément à la place Maurice Audin pour crier leur colère avec les slogans: «Bouteflika dégage», «non à un cinquième mandat pourri», «Non à sa candidature et encore moins à sa réélection». etc.
Les forces de l’ordre ont été obligées de recourir aux bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants les plus agressifs qui qualifiaient la lettre de Bouteflika de «Istifzaz» (provocation).
Des manifestations ont également éclaté dans plusieurs viles du pays: Jijel, Oran, Constantine, Batna, Alger, Skikda, Sétif, etc., pour dénoncer la candidature de Bouteflika, désormais déposée.
Outre la population qui affiche clairement son opposition à la candidature du président, des partis politiques ont aussi clairement manifesté leur opposition aux propositions du président. Le plus virulent d'entre eux est le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), qui juge cette lettre comme l'«insulte de trop».
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«Qui peut croire qu’un homme dont l’action politique se confond avec la longue liste des coups de force, des reniements et des intrigues qui ont mutilé la nation peut se transformer en son contraire pour réaliser –maintenant que les forces l’ont abandonné et que les caisses sont vides– ce qu’il a scrupuleusement et méthodiquement combattu sa vie durant», souligne le RCD dans un communiqué.
«Les Algériens sont humiliés. Aucun peuple, aucun groupe social, aucune personne ne peut accepter de supporter autant de mépris. La lettre lue par le directeur de campagne du chef de l’Etat, spoliant l’opposition de son projet pour mieux le pervertir résonne comme une insulte de plus, une insulte de trop à l’intelligence collective du peuple algérien», a jugé le RCD dans un communiqué.
Moustapha Bouchachi du mouvement Mouwatana, à l'avant-garde de la lutte contre ce 5e mandat du président Bouteflika, a souligné dans une déclaration à El Hayat TV, qu’«en politique, il y a un paramètre important qui s’appelle le temps, ce qui était valable hier ne l’est plus aujourd’hui et ce que propose Bouteflika n’est qu’une manœuvre pour chercher à gagner du temps. C’est trop tard, ces propositions ont été faites par l’opposition en 2015, dans le cadre de la Plate-forme de Zeralda, il les a rejetées, il ne lui reste qu’une seule chose à faire, retirer sa candidature et rentrer chez lui, s’il veut éviter un nouveau bain de sang à l’Algérie».
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Louisa Hanoune, Secrétaire générale du Parti des Travailleurs, fustige de son côté ceux qui décident au nom du président.
«Messieurs, déclarez l’état d’incapacité du président de la République, laissez cet homme, laissez cet ancien moudjahid partir tranquillement, ayez pitié pour ce pays et pour cet homme!».
Pour Abderazak Makri, président du Mouvement pour la Société de la Paix (MSP), les engagements contenus dans la lettre de Bouteflika sont «des promesses électorales».
Il ajoute que «le plus grand cadeau que nous pouvons offrir à ce régime, c’est de laisse le mouvement dévier vers la violence».
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En dehors de l'Algérie, les réactions sont pour le moment timides. On est loin de la levée de boucliers qu'a suscité l'actualité au Venezuela, dans le duel qui oppose en ce moment Maduro à Guaido.
La France, pourtant ancienne puissance coloniale en Algérie, a eu, pour l'heure, une réaction timorée: «la France souhaite que les élections se déroulent dans de bonnes conditions. C’est au peuple algérien et à lui seul qu’il revient de choisir ses dirigeants et de décider de son avenir, dans la paix et la sécurité», déclare ainsi l’Elysée, en toute prudence.
On notera toutefois la réaction tranchée de l’ancien secrétaire général de l’ONU et ancien ministre des Affaires étrangères d’Espagne, Javier Solana, qui a tweeté: «la confirmation de la candidature de Bouteflika pour un 5e mandat à la présidence de la République algérienne, dans ces conditions physiquec, perturbera la clarté du résultat électoral. Les manifestations qui se déroulent en Algérie montrent le rejet de cette candidature».