La dernière "offre" du président Bouteflika --qui a reporté l'élection présidentielle, prolongeant sine die son mandat au-delà de son terme prévu, le 28 avril-- n'a pas plus réussi que les précédentes à apaiser les protestations. Que reste-t-il désormais au pouvoir pour calmer la rue ?
Qu'ont dit les manifestants vendredi au pouvoir?
Les manifestants ont opposé une fin de non-recevoir claire à la dernière proposition du président Bouteflika et ont montré n'être pas dupes de l'abandon en trompe-l'oeil du 5e mandat, troqué pour une prolongation à durée indéterminée de l'actuel mandat de M. Bouteflika.
La mobilisation monstre a surtout montré que la contestation ne faiblit pas. Elle n'a même cessé d'enfler au fil des semaines. Si le nombre de manifestants est très difficile à évaluer précisément, ils étaient vendredi au moins aussi nombreux que le 8 mars, journée où la mobilisation fut qualifiée d'historique.
Que peut encore proposer le pouvoir?
Le tour de passe-passe, consistant à ne pas briguer un 5e mandat pour prolonger le 4e n'a pas fonctionné. Et le sacrifice du très impopulaire Premier ministre Ahmed Ouyahia est loin d'avoir suffi.
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Le choix pour le remplacer d'un autre cadre du "système", Noureddine Bedoui, ministre de l'Intérieur depuis 2015, sous la direction duquel la police a dûment fait respecter l'interdiction stricte de manifester à Alger, n'a pas rassuré.
Reste dans l'immédiat la formation du nouveau gouvernement: M. Bedoui a promis de recruter des technocrates parmi les "jeunes compétences, hommes et femmes" de l'Algérie...
Mais trouver de "nouvelles têtes", dans le contexte actuel, risque de s'avérer ardu. Qu'est-ce qu'un "jeune technocrate" aurait à gagner en se commettant avec un pouvoir honni, au sein d'un gouvernement dont la durée de vie sera "courte", selon l'aveu même du Premier ministre?
Pas sûr qu'un rajeunissement du gouvernement soit suffisant. Les manifestants réclament un "changement radical, pas un changement de marionnettes", indiquait une pancarte vendredi.
Le mot d'ordre depuis le début des manifestations n'a pas changé: le départ de Bouteflika, de son entourage et du "système".
Peut-il espérer l'essoufflement du mouvement ?
Depuis le début des manifestations le 22 février, le pouvoir semble chercher à gagner du temps. Mais la contestation s'inscrit désormais dans la durée.
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Les Algériens, longtemps étouffés par le traumatisme de la décennie noire de guerre civile (1992-2002) et le chantage au chaos exercé par le régime, mais aussi par la peur instillée par un Etat tout-puissant, ont poussé en trois semaines le pouvoir dans ses retranchements et ils y ont pris goût.
Le printemps étant déjà arrivé en Algérie, les manifestations sont aussi devenues de grandes fêtes, conviviales, où l'on vient en famille.
Reste l'échéance du mois du Ramadan, qui commence le 4 ou 5 mai: la mobilisation pourra-t-elle se maintenir durant ce mois de jeûne, au cours duquel la fatigue se fait rapidement sentir pendant la journée, s'inquiètent certains contestataires.
Peut-il opter pour la répression?
La répression paraît désormais difficilement envisageable. Les foules sont impressionnantes et à plusieurs reprises, la police a semblé débordée.
Surtout, les manifestations sont pacifiques. Aucun incident n'a été constaté en province en trois semaines de manifestations.
A Alger, quelques heurts opposent chaque vendredi, en marge du cortège et en fin de manifestation, quelques centaines de jeunes et des policiers. Mais cela n'empêche pas des centaines de milliers de personnes de défiler chaque semaine, plusieurs heures durant, dans le centre-ville, sans aucun incident, veillant à éviter toute provocation ou confrontation.
Difficile également de justifier une répression violente, alors que le monde a les yeux tournés vers l'Algérie.