Algérie: le coup de Trafalgar de Bouteflika

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Le 12/03/2019 à 13h08, mis à jour le 12/03/2019 à 14h48

Abdelaziz Bouteflika a certes retiré sa candidature à un cinquième mandat, mais il a, en même temps, repoussé les élections à une date ultérieure, qui fait planer le doute sur sa volonté de quitter le pouvoir.

Après l'euphorie qui a suivi l'annonce du retrait de la candidature de Abdelaziz Bouteflika, demeure un sérieux doute sur la sincérité du chef de l'Etat algérien ou plutôt de son entourage.

Visiblement, les aparatchiks aux commandes ne veulent pas céder le pouvoir de sitôt. Imbus qu'ils sont de leur personne, ils sont convaincus d'être les seuls ayant la légitimité de diriger l'Algérie. 

En effet, le report des élections à une échéance indéterminée cache mal la volonté de l'entourage de Bouteflika de continuer à s'accaparer le pouvoir sans passer par le suffrage universel.

Car se pose, de fait, la question de savoir quand devrait se tenir l'élection présidentielle initialement prévue le 18 avril 2019.

Pas avant le premier trimestre 2020. C'est dire que Bouteflika risque de prolonger son bail au siège de la présidence, dans le palais d'El Mouradia, pour -au moins- un an après la fin officiel de son mandat. 

Il s'agit pourtant d'un scénario qui ne date pas d'aujourd'hui, puisque ce n'est là, ni plus ni moins, que le déroulement d'un projet de "continuité", qui avait été brandi durant tout l'automne 2019. Sans certes y retrouver les mêmes éléments de langage, il y a là, tout de même, la même consistance que celle qui avait été précédemment voulue. 

Ce matin, sur Radio France internationale (RFI), le tout nouveau vice-Premier ministre algérien, Ramtane Lamamra, a déclaré que "le président a énoncé un certain nombre d'orientations de nature stratégique. D'abord, c'est la conférence nationale indépendante qui adoptera la constitution, elle fixera également la date de l'élection présidentielle. Cette élection entièrement sous la responsabilité d'une Commission électorale nationale indépendante (CENI)".

Toujours selon Ramtane Lamamra, "le ministère de l'Intérieur étant à la disposition de la CENI, le Conseil constitutionnel continuera à assumer ses responsabilités. Et donc ce sera l'affaire de tout le monde et non pas seulement l'affaire du gouvernement". 

Pour gérer cette transition, un "gouvernement de compétence bénéficiant aux participants de la conférence nationale" devrait être mis en place, a en outre révélé Lamamra. 

Et quand le journaliste de RFI lui dit "à vous entendre, Ramtane Lamamra, c'est le tournant le plus important depuis l'indépendance de 1962", le nouveau vice-Premier ministre algérien répond par l'affirmative. 

Evidemment, il suffit de revenir quelques mois auparavant, pour se rendre compte que cette recette avait déjà été concoctée avant d'être abandonnée.

L'idée d'une "continuité", qui consistait à maintenir l'entourage de Bouteflika au pouvoir sans organiser d'élection présidentielle avait déjà fait surface en septembre dernier.

Cette idée avait été jetée aux oubliettes, parce qu'elle butait, de fait, contre la légalité.

La constitution algérienne ne prévoit le report de la présidentielle que dans trois cas: l'état d'urgence, la guerre et l'exception. Or, l'Algérie ne se trouve actuellement dans aucun de ces cas de figure. 

Tout porte cependant à croire que la pression de la rue va s'intensifier dans les jours à venir et sur les réseaux sociaux, les appels à manifester se multiplient, notamment pour les journées de jeudi et de vendredi prochain.

Ce mardi est d'ores et déjà marqué par des marches dans plusieurs grandes villes, et le coup de Trafalgar de Bouteflika risque fort de se transformer en pétard mouillé. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 12/03/2019 à 13h08, mis à jour le 12/03/2019 à 14h48