C’est certainement le dernier des dinosaures auquel on pouvait s'attendre à une décision pareille: soutenir les revendications des manifestations contre le cinquième mandat, puis la prolongation de l'actuel quatrième mandat du président Bouteflika.
Ahmed Ouyahia, ancien Premier ministre algérien jusqu’à tout récemment, est en effet un cacique du régime.
C'est surtout l'un des hommes-clés du système clanique qui dirige l’Algérie, grâce à sa formation politique, le RND, et surtout du fait de son rôle de premier plan en tant que directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika durant plusieurs année, avant qu'il ne soit nommé Premier ministre en 2018.
Après avoir brandi l’épouvantail du drame syrien, dans le but de faire peur aux manifestants opposés à un cinquième mandat, qu'il avait pourtant défendu bec et ongles, Ouyahia, qui a été limogé la semaine dernière, affiche désormais sa sympathie envers les manifestants, qui appellent à un changement du système.
Peut-être est-ce là une manière de donner un sens à son limogeage...
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Ainsi, dans une lettre adressée hier, dimanche 17 mars, aux militants de son parti, le RND, lettre d'ailleurs publiée par les médias algériens, Ahmed Ouyahia appelle les autorités à «répondre dans les meilleurs délais» aux revendications pacifiquement exprimées par les Algériens contre le système en place. Il appelle les autorités à «y répondre dans les plus brefs délais, afin d’éviter à l’Algérie toute dérive».
Pour cet homme, qui est pourtant, de fait, l’un des symboles du système, «il n’y a ni pouvoir, ni gouvernement plus cher que l’Algérie».
Avec cette tonitruante sortie, Ouyahia rejoint, ou presque, le clan de tous ceux qui ont retourné leur veste, ou atténué leurs positions à l’égard des manifestants, dont Ahmed Gaid Salah, le vice-ministre de la Défense et chef de l’état-major de l’armée algérienne, ainsi que les représentants des Moujahidines, certains élus des partis au pouvooir, etc.
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Mais il n'empêche que malgré son soutien apporté aux manifestants, Ahmed Ouyahia ne lâche pas totalement le régime, dont il reste l'un des piliers et le comptable de toutes ses dérives, commises de concert avec le clan Bouteflika.
Ahmed Ouyahia prend ainsi grand soin de souligner la nécessité de répondre favorablement au message de Bouteflika, et parle même de la «crédibilité du processus de transition démocratique».
Partant, il appelle à des concessions de part et d’autres, et demande à l’opposition de prendre part à la conférence nationale devant conduire à la révision de la constitution.