Algérie: la démission de Bouteflika jugée imminente

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Le 01/04/2019 à 13h48, mis à jour le 01/04/2019 à 13h51

Selon diverses sources médiatiques, le président Abdelaziz Bouteflika devrait annoncer sa démission ce mardi 2 avril. Si le timing est respecté, c’est là un premier piège qui se ferme au nez des manifestants, suite à la nomination d’un nouveau gouvernement. Explications.

D’après diverses sources médiatiques algériennes, dont Ennahar TV, El Bilad, Observalgerie, etc., le président Abdelaziz Bouteflika devrait annoncer sa démission ce mardi 2 avril, et ce, conformément à l’article 102 de la Constitution algérienne, évoquée par le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, le général-major Gaïd Salah.

Si c’est le cas, celle-ci interviendrait à quelques jours de la fin de son mandat à la tête de l’Algérie qui expire le 28 avril courant.

Une telle démission permettrait d’éviter à l’Algérie le casse-tête d’un vide constitutionnel et institutionnel qu’entraînerait de facto le maintien de Bouteflika jusqu’à la fin de son mandat,en le remplaçant par le président du Conseil de la nation (l'équivalent du Sénat, en Algérie), Abdelkader Bensalah.

Mais de la manière où vont les choses, cette démission risque d'être un piège pour les manifestants, qui réclament un changement de régime avec le départ de tous les caciques du système militaro-politique.

En effet, ces annonces, qui paraissent clairement téléguidées, interviennent quelques heures seulement après la formation d’un nouveau gouvernement par le président Bouteflika avec à sa tête Noureddine Bédoui en tant que Premier ministre, et avec le maintien de Ahmed Gaïd Salah à son poste de vice-ministre de la Défense (et donc à son poste de chef d’état-major de l’armée), ce qui lui permet de garder son second rang dans l’ordre protocolaire, juste derrière le Premier ministre. 

De ce gouvernement ramassé, composé de 27 ministres seulement, on en compte pas moins de huit, issus de l’ancienne équipe.

Bouteflika a ainsi fait fi de la revendication des manifestants et de l’opposition qui appellent à un gouvernement de transition sans les caciques du régime, en nommant un gouvernement de «gestion d’affaires courantes».

Une nécessité pour l’application de l’article 102, sachant que le président ne peut démissionner en l’absence d’un gouvernement en fonction, ce qui n’était pas le cas depuis le départ de l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia.

Désormais, et au cas où Bouteflika déposerait demain sa démission, c’est ce même gouvernement qui, constitutionnellement, assurera la gestion des affaires, selon l’article 104 de la constitution, qui stipule qu’au moment de «l’empêchement, du décès ou de la démission du président de la République, ne peut être démis ou remanié jusqu’à l’entrée en fonction du nouveau Président de la République».

Ainsi, avec Abdelkader Bensalah assumant l’intérim et un gouvernement dirigé par Bédoui, le clan Bouteflika s’assure de la continuité de la gestion du pays par des collaborateurs qui lui sont fidèles, et qui ne nuiront pas à leurs intérêts durant cette période cruciale et délicate qui pourrait durer, en tout, 4 mois et demi. Au moins.

Ce laps de temps permettra au régime de mettre en application sa feuille de route. D’ailleurs, c’est Bensalah qui a été désigné pour représenter l’Algérie au Sommet de la Ligue arabe qui s’est tenu à Tunisie.

En clair, le régime et l’institution militaire que dirige Ahmed Gaïd Salah ne comptent pas accepter une transition sans eux, d’où le recours systématique à un cadre «exclusivement constitutionnel».

Au pouvoir depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika s'apprête ainsi à fermer une parenthèse de 20 ans de la politique algérienne, sans toutefois emporter avec lui le système, comme le réclame le peuple depuis à présent six semaines. 

Il reste à savoir si la rue, après plus d’un mois de manifestations contre le régime, va se contenter de cette transition souhaitée par le système. Rien n’est moins sûr. 

Par Karim Zeidane
Le 01/04/2019 à 13h48, mis à jour le 01/04/2019 à 13h51