En dépit d'un impressionnant dispositif policier, des centaines de milliers d'Algériens sont sortis manifester à travers tout le pays, pour exiger le départ des caciques du régime Bouteflika qui sont toujours maintenus en place avec la complicité de l'armée, notamment du chef d'état-major et vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah.
Ce 20e vendredi était très attendu, du fait du contexte dans lequel il intervient: au lendemain d'une nouvelle offre de dialogue de Abdelkader Bensalah, à la veille de la conférence de sept partis d'opposition et de la célébration du 27e anniversaire de l'indépendance.
Alors qu'à l'image des quatre derniers vendredis, des milliers d'éléments des forces de l'ordre ont été mobilisés, les manifestants ont quand même réussi à prendre d'assaut la place de la Grande Poste. Ils ont en effet forcé un cordon de policiers équipés de casques, de boucliers et bien sûr de lanceurs de grenades lacrymogènes et bombes assourdissantes.
Lire aussi : Algérie: Gaïd Salah et la rue à l'épreuve d'un 20e vendredi de contestations exceptionnel
Au cri de "Partez, libérer l'Algérie", les milliers de manifestants de tous âges ont réussi à faire reculer les forces de l'ordre. Néanmoins, on compte des dizaines d'arrestations, selon plusieurs témoignages, à l'image des précédents vendredis.
"Gaïd Salah dégage", "Le peuple et l'armée sont frères mais Gaïd Salah est avec les traîtres", ont scandé les manifestants à l'adresse de celui qui a maintes fois refusé leurs revendications.
Il fallait s'attendre à un tel succès, notamment après l'appel lancé par 7 influentes personnalités algériennes qui avaient demandé dans une vidéo que les citoyens sortent massivement à l'occasion de cette 20e fin de semaine.
Pari tenu pour le célèbre avocat et défenseur des droits humains Mustapha Bouchachi, le diplomate et ex-ministre Abdelaziz Rahabi: les rues du centre d'Alger sont noires de monde depuis la fin de la prière hebdomadaire.
Départ des soutiens de Bouteflika exigé
Depuis la démission, le 2 avril dernier, du président Abdelaziz Bouteflika sous la pression de la rue et de l'armée, le mouvement de contestation refuse que le «système» en place organise la présidentielle, et réclame au préalable le départ de tous les anciens soutiens de Bouteflika, resté près de 20 ans au pouvoir.
Mercredi, le président par intérim, Abdelkader Bensalah, a proposé la création d'une instance de dialogue pour organiser une présidentielle et promis que l'Etat et l'armée ne s'y impliqueraient pas.
Lire aussi : Algérie: Ahmed Gaïd Salah juge "regrettable" "le niveau abject de corruption"
«Ou c'est vous (le pouvoir) ou c'est nous, on ne s'arrêtera pas», ou encore «pas d'élection bande de mafieux» ont crié les manifestants, rejetant à nouveau la feuille de route du pouvoir.
«Maintenir le système»
«Ils (le pouvoir) sont en train de reformuler les mêmes propositions. Leur seul objectif est de maintenir le système en place. Donc pas de dialogue dans ces conditions», lance une manifestante de 28 ans, Linda Hamrouche.
Un premier appel au dialogue, lancé début juin par Bensalah et limité à la classe politique, avait aussi reçu une fin de non-recevoir de la contestation.
La présidentielle, initialement prévue le 4 juillet et rejetée par les manifestants, a été annulée faute de candidat. Alors que le délai de 90 jours prévu par la Constitution pour l'intérim expire théoriquement dans les prochains jours, M. Bensalah a dit qu'il resterait à son poste jusqu'à l'élection d'un nouveau président.
Mesures concrètes attendues
Selon le site indépendant TSA (Tout sur l'Algérie), le nouvel appel risque aussi d'être rejeté «si les autorités ne s'empressent pas d'annoncer des mesures concrètes d'apaisement».
Lire aussi : Vidéo. Algérie: Bensalah enfume les Algériens en appelant à un dialogue avec ni l'armée, ni... le système
Partis d'opposition, société civile et observateurs attendent de voir comment cette proposition va être concrétisée car aucun nom n'a été avancé à ce stade pour le dialogue.
«Je sortirai vendredi comme je le fais depuis quatre mois, jusqu'à l'élection d'un président légitime. On a réalisé un grand objectif: Bensalah ne conduira pas le dialogue, il est 'out' même s'il reste en poste», a dit Ali, un employé de banque de 47 ans.
«Assises nationales»
La journée est un test pour la contestation. Samedi, des partis politiques, des représentants de la société civile et des personnalités nationales doivent tenir une réunion intitulée «assises nationales du dialogue».
Cette initiative «vise à mettre en place des mécanismes pour sortir de la crise et aller, dans des délais raisonnables, vers l'organisation» d'une présidentielle, a déclaré M. Rahabi. Une autre revendication de la contestation est l'arrêt des interpellations de manifestants.
Si le président par intérim a salué le caractère pacifique du mouvement et la «retenue des forces de sécurité», les arrestations de manifestants et mises en garde lancées par le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, se sont multipliées.
Pour la contestation et de nombreux observateurs, le président par intérim n'est pas le détenteur du pouvoir réel, assumé par le général Gaïd Salah, qui avait refusé les revendications de la contestation
Des manifestants de plus en plus nombreux
Tout le monde réclame la libération de Bouregaa
Les manifestants appellent à libérer les détenus d'opinion
A Constantine, à la veille du 57e anniversaire de l'indépendance, les manifestants encore plus mobilisés.