Algérie. Présidentielle: partis politiques et société civile craignent une nouvelle entourloupe

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Le 17/09/2019 à 08h58, mis à jour le 17/09/2019 à 14h27

Les Algériens estiment que le pouvoir veut les mettre devant le fait accompli avec la convocation de l'élection présidentielle sans les mesures d'apaisement exigées. Ahmed Gaïd Salah, qui dicte sa loi à Abdelkader Bensalah, laissera-t-il l'Autorité électorale travailler en toute indépendance?

Pour l'heure, seul Ali Benflis, ancien chef de gouvernement et plusieurs fois candidats à l’élection présidentielle, semble se montrer conciliant. Concernant le scrutin qui devrait se tenir le 12 décembre prochain, il est le seul homme politique qui estime les conditions acceptables et la transparence garantie.

L'écrasante majorité des partis politiques et de la société civile dénonce le fait qu'on "continue à mépriser le peuple algérien et le mouvement populaire".

C’est l’avis de Sofiane Djilali du parti "Jil Jdid", Génération nouvelle, qui estime qu'il "y a une telle méfiance, une telle rupture de confiance, que les Algériens ont le sentiment que le pouvoir, encore une fois, veut décider à leur place qui serait le futur président. Les règles du jeu n’étant pas claires, la rue, à l’évidence, refusera cette élection". 

En réalité, le général Ahmed Gaïd Salah, véritable homme fort du pays, estime que "les conditions sont toutes réunies" pour l'organisation de l'élection présidentielle. Mais, à part Abdelkader Bensalah et les membres du gouvernement de Noureddine Bedoui, ils sont rares les Algériens qui partagent cette certitude. 

Certes, l'Autorité électorale nationale indépendante a été mise en place la semaine dernière, grâce à l'adoption d'une nouvelle loi, et la nomination de son président. Néanmoins, elle a été confiée à un ancien ministre de la Justice d'Abdelaziz Bouteflika, une personnalité identifiée comme ayant fait partie du système, contrairement à ce que réclame le mouvement populaire. Il s'agit, en l'occurrence, de Mohamed Charfi, qui fut ministre à deux reprises. 

La question est de savoir, à quel point, cette Autorité sera-t-elle indépendante d'Ahmed Gaïd Salah. Car si ce dernier, qui n'est que le chef de l'armée, est en mesure de donner des ordres à son propre chef de l'Etat, il sera évidemment capable de dicter sa loi à Mohamed Charfi et à n'importe quel autre haut responsable. 

Depuis le début des évènements, c’est lui qui décide par ses nombreux discours, et tout le monde s’exécute. Quand il évoque la traque de la bande et des corrupteurs et corrompus du régime, la justice qui aurait pu le faire bien avant commence enfin à s’activer.

Quand il menace ceux qui brandissent le drapeau et les signes amazighs, la police procède à l’arrestation de tous ceux qui ont été coupables de ce nouveau crime. Les condamnations tomberont par la suite.

Quand, enfin, il suggère que le corps électoral soit convoqué le 15 septembre, au plus tard, comme par hasard, le président Abdelkader Bensalah a une importante annonce à faire dans la soirée de cette date. Et les élections sont convoquées pour le 12 décembre.

C’est dire que, le problème n'est finalement pas dans l’absence ou non de l'Autorité électorale nationale indépendante, ni même dans la démission éventuelle du gouvernement Bedoui. Le véritable défi auquel la construction de l'Etat algérien est confrontée réside dans l'ingérence du commandement de l'armée nationale populaire, qui, aujourd'hui, décide de tout et qui est, en définitive, la clé de voûte du système que combattent les millions d’Algériens depuis le 22 février.

Dans les conditions actuelles, les Algériens savent qu'aucun président élu ne pourra écarter ni Ahmed Gaïd Salah, ni le système. Ce sont autant de raisons qui laissent penser que l'élection du 12 décembre prochain aura pratiquement le même succès que celles qui devaient se tenir le 19 avril et le 4 juillet, et qui ont toutes avorté. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 17/09/2019 à 08h58, mis à jour le 17/09/2019 à 14h27