C’est une prouesse qu’a réussie la chaîne publique France 5 en faisant l’unanimité des Algériens contre elle après la diffusion du documentaire sur le Hirak algérien, intitulé «Algérie, mon amour», diffusé mardi soir par France 5 et La Chaîne Parlementaire (LCP), relayées par France 24.
En effet, la diffusion de ce documentaire, précédée d’une vaste campagne de communication durant deux semaines, continue de susciter la polémique en Algérie.
Le film a suscité un vaste mouvement de réprobation et d’indignation des Algériens sur les réseaux sociaux, notamment de la part des partisans du mouvement populaire de contestation (Hirak) qui ont été les premiers à tirer des boulets rouges sur ce documentaire réalisé par le journaliste franco-algérien Mustapha Kessous, et dans lequel cinq jeunes Algériens originaires d’Alger, Oran et Tizi-Ouzou qui ont participé au Hirak ont témoigné librement sur le mouvement populaire de contestation.
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Les Algériens ont vivement critiqué ce reportage qui a mis l’accent sur «une image réductrice» du Hirak.
En effet, le réalisateur franco-algérien est accusé d’avoir perverti sciemment le reportage pour rendre le produit commercialisable sous couvert du Hirak et pour faire du buzz. Ainsi, les principaux intervenants du documentaire reprochent au réalisateur d’avoir diffusé des séquences «qui ne devaient pas être diffusées» et d’avoir supprimé d’autres interventions jugées «importantes» dans le seul but d’orienter le documentaire sur des questions «marginales», comme la frustration sexuelle de la jeunesse algérienne qui n’a rien à voir avec les revendications politiques du mouvement populaire.
«Pour lever les équivoques, je n’ai découvert le contenu du film qu'en même temps que tout le monde et ma participation est restée en droite ligne de ce que j’ai toujours défendu: le démantèlement total du système. Je regrette que les éléments que j’ai développés sur l’apport de la Kabylie dans le mouvement populaire n’aient pas été retenus, mais comme je n’ai aucun pouvoir de l’imposer, je ne peux finalement que le regretter», a écrit sur sa page Facebook, Anis, un étudiant en informatique à Alger, et un des principaux protagonistes de ce documentaire. Il accuse le réalisateur d’avoir omis toutes les questions importantes relatives à l’économie, la politique, le pacifisme du Hirak, le chômage des jeunes... Sujets qui ont été supprimés du documentaire.
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En gros, les protagonistes accusent le réalisateur d’avoir axé le documentaire sur l’aspect social et plus particulièrement sur la frustration sexuelle et la condition de la femme en Algérie, occultant les revendications du Hirak.
Pire, le réalisateur est accusé d’avoir inséré des scènes «personnelles», malgré la demande expresse faite au réalisateur de ne pas diffuser ces séquences.
Du coup, certains intervenants ont reçu des menaces et ont été obligés de poster des vidéos pour justifier leur participation au documentaire et dénoncer le choix des images et de l’orientation choisie par le réalisateur qui est accusé d’avoir réduit le mouvement populaire en un «dérisoire mouvement de frustration» de la jeunesse en mal de vivre.
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Si les partisans du Hirak sont mécontents du caractère orienté de ce documentaire qui gomme leurs principales revendications, le régime en place profite de l'occasion pour régler ses comptes avec la France et ses médias, en annonçant, via un communiqué du ministère des Affaires étrangères, que «le peuple algérien et ses institutions ont été attaqués».
La réponse d’Alger a été sans appel avec le rappel «immédiat» son ambassadeur à Paris pour consultation.
Pour Alger, ce rappel est justifié par les caractères récurrents des attaques des chaînes publiques françaises contre le peuple algérien et ses institutions, dont l’Armée nationale populaire, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
«Le caractère récurrent de programmes diffusés par des chaînes de télévision publiques françaises, dont les derniers en date sur France 5 et La Chaîne Parlementaire, le 26 mai 2020, en apparence spontanés et sous le prétexte de la liberté d’expression, sont en fait des attaques contre le peuple algérien et ses institutions, dont l'ANP et sa composante, la digne héritière de l'Armée de libération nationale (ALN)», précise la même source.
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Et le communiqué d’ajouter que «cet activisme où l'inimitié le dispute à la rancœur, dévoile les intentions malveillantes et durables de certains milieux qui ne souhaitent pas l’avènement de relations apaisées entre l’Algérie et la France, après 58 ans d'indépendance, et ce dans le respect mutuel et l'équilibre des intérêts qui ne sauraient faire l'objet de concession ou de marchandage».
Ce rappel de l’ambassadeur intervient quelques semaines après la convocation par le ministère des Affaires étrangères de l’ambassadeur de France à Alger, Xavier Diencourt, suite aux déclarations tenues par Francis Ghilès, chercheur au Centre de relations internationales à Barcelone, sur France 24 affirmant que «le matériel et les protections sanitaires reçus de Chine ont été conduits vers l’hôpital militaire de Aïn Naâdja dès leur arrivée».
Il faut dire que les relations entre Alger et Paris qui n’ont jamais été tendres se sont devenues tendues durant toute la période du Hirak algérien, malgré les tentatives de la France de ne pas s’impliquer.