L'effondrement des réserves de changes algériennes est devenu la hantise du gouvernement, sachant d'ici fin décembre 2020, elles ne couvriront même plus un an d'importations.
En effet, de 62 milliards de dollars à fin 2019, le matelas en devises de la Banque centrale algérienne pourrait être réduit à peau de chagrin. Les prévisions les plus optimistes tablent sur 40 milliards de dollars, mais si la tendance ne décélère pas suffisamment, il ne restera pas plus de 35 milliards de dollars en devises dans les comptes de l'institut d'émission.
C'est pourquoi le Conseil des ministres qui s'est tenu le week-end dernier, sous la présidence d'Abdelmadjid Tebboune, n'a eu pour seule préoccupation que l'arrêt immédiat des sorties de devises. Une vraie gageure pour ce pays pétrogazier qui malheureusement importe tout, jusqu'à son propre carburant.
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Il y a ça et là des décisions sur les ports secs à fermer ou à doter de scanner à des fins de contrôles douaniers plus efficaces. L'objectif est simplement de limiter les importations, en mettant en place plus de contraintes. Cette mesure a été présentée par le ministre des Finances, Abdourahmane Raouia.
Au-delà des importations de marchandises, la facture des services est une préoccupation plus grande, notamment à cause de l'absence d'une flotte algérienne. Sauf que l'irréalisme des mesures proposées pour régler ce problème est sidérant.
Abdelmadjid Tebboune a ainsi "ordonné de développer la flotte maritime algérienne pour être en mesure, d’ici la fin de l’année en cours, de prendre en charge totalement le transport des marchandises, ce qui permettra de réaliser des économies en devises, d’éviter la surfacturation et de consolider l’économie nationale". Avec quelles ressources financières le pays pourra-t-il acheter ces bateaux pour transporter ses marchandises? Le Trésor public est justement à court d'argent et à moins qu'il n'obtienne un financement, notamment non conventionnel de la part de la Banque centrale, il devra se tourner vers les bailleurs de fonds étrangers.
Actuellement, l'Algérie ne dispose que d'un seul porte-conteneur et uniquement de 11 navires-cargos, notamment des vraquiers. Cela s'avère insuffisant pour les millions de tonnes de marchandises acheminées annuellement vers le pays.
De plus, la plupart des contrats de maintenance et d'études sont aujourd'hui entre les mains d'entreprises non algériennes sans que soient prévues des clauses de transferts de technologie.
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Toutes ces données mises bout à bout correspondent à une facture de quelque 13 à 14 milliards de dollars de services que Tebboune et son équipe veulent ramener à sa moitié, soit autour de 7 milliards de dollars. Là aussi, à court terme. Un autre défi difficile à relever, en admettant que la chose soit réalisable.
Au niveau des équipements industriels et autres semi-produits, rien ne s'est passé comme prévu. Au contraire: leurs importations ont "enregistré une augmentation record durant ces dernières années, sans un quelconque impact positif sur la croissance du Produit national brut".
Concernant ce point précis, ce ne sont pas moins de 12 milliards de dollars qui sortent annuellement. En fait, l'essentiel de ces importations correspond à l'activité de montage automobile, malheureusement exonérée de droits de douane. Ferhat Aït Ali, le ministre algérien de l'Industrie promet des "réformes structurelles urgentes". L'objectif est de réaliser 4 milliards de dollars d'économies, ce qui reste a priori plus réalisable que ceux précédemment énoncés. En effet, vu qu'après le fiasco de la stratégie mise en place, l'industrie automobile est complètement à l'arrêt, il n'est même plus besoin de parler d'importation de pièces de véhicules CKD.
En revanche, les importations de vrais véhicules ont repris, ce qui aura pour effet d'annuler les gains réalisés dans la réduction de la rubrique d'achats de matériels d'équipement.
La question est de savoir si l'Algérie échappera aux travers liés à l'importation débridée de véhicules automobiles qui pouvait atteindre le nombre astronomique de 400.000 nouvelles voitures par an, faisant occuper à l'Algérie le rang de deuxième plus gros importateur du continent derrière l'Afrique du Sud. C'est un casse-tête que le gouvernement s'est promis de résoudre, notamment avec un nouveau cahier des charges.
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Au niveau des produits agricoles aussi, Tebboune veut tout faire pour limiter les importations, sauf que ce qu'on peut se permettre avec des machines et des services ou du transport maritime est impensable avec des denrées alimentaires. L'Algérie est donc obligée de faire avec une situation qui a tout d'une barrière infranchissable. Le pays d'Afrique du Nord importe lait, viande, blé, sucre, orge, maïs, presque tout ce que consomment ses 44 millions d'habitants. D'ailleurs, pour des raisons évidentes, rien n'a été annoncé, si ce n'est que pendant les périodes de récoltes des produits agricoles, l'importation sera interdite.
Le défi est extrêmement difficile pour l'Algérie d'Abdelmadjid Tebboune. A cause de la chute des cours du pétrole, les caisses du Trésor sont désespérément vides et celles en monnaie étrangère de la Banque centrale ne sont pas loin de l'être. Une solution aurait été d'aller tout de suite vers un endettement extérieur auprès des bailleurs de fonds étrangers, tant que l'Algérie conserve encore une capacité de négociation et que sa note souveraine n'est pas encore au plus bas.
Mais encore une fois, Abdelmadjid Tebboune l'a écartée, refusant de faire preuve de réalisme face à une situation qui mène le pays droit dans le mur. Il a affirmé que par "souci de préserver la dignité et la souveraineté nationale", il est hors de question de tendre la main au Fonds monétaire international ou à la Banque mondiale. Il demande encore aux Algériens de se serrer la ceinture. Jusqu'à quand?