Algérie: Saïd Sadi relève de saisissantes similarités entre les tragédies libanaise et algérienne

Said Sadi, ancien leader du Rassemblement pour la culture et la démocratie  (RCD) algérien.

Said Sadi, ancien leader du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) algérien. . DR

Le 12/08/2020 à 13h04, mis à jour le 12/08/2020 à 13h07

Pour Saïd Sadi, homme politique algérien actuellement en exil en France, la violente explosion qui s'est produite la semaine dernière au Liban et les conditions qui l'entourent doivent inspirer à ses compatriotes "un sentiment de déjà vu" compte tenu des maux qui gangrènent leur pays.

Ses sorties ont le don d'irriter les dirigeants algériens. Celle-là les énervera davantage. SaÏd Sadi a publié sur sa page Facebook un hommage aux victimes de la double explosion qui s'est produite la semaine dernière à Beyrouth, dont le dernier bilan fait état de près de 170 morts et de plus de 6.000 blessés. 

Cet hommage lui sert de point de départ pour une analyse dans laquelle Saïd Sadi dresse un parallèle entre les situations politiques et sociales au Liban et en Algérie. Premier élément de comparaison selon lui, le Liban est "pris en otage par une classe dirigeante prédatrice". Un constat qui colle parfaitement à l'Algérie qui est dirigé depuis l'indépendance par des apparatchiks et des oligarques qui n'ont d'autre souci que d'accaparer le pouvoir à des fins d'enrichissement personnel. En effet, il suffit de voir comment lors des deux dernières décennies, les revenus pétrogaziers ont été dilapidés alors que cette manne financière de plus de 1.000 milliards de dollars aurait pu assurer la diversification de l'économie. 

La plus grande part de cette somme est allée dans des marchés publics de complaisance au profit d'hommes d'affaires du régime et d'entreprises étrangères, notamment chinoises employant un personnel non algérien. Citons aussi les très hasardeuses politiques industrielles, notamment dans le secteur de l'automobile, qui ont profité à des pseudo-industriels ayant bénéficié de subventions et de financement faramineux sans réellement favoriser la valeur ajoutée locale.

Le résultat est un désastre. Les recettes du pétrole et du gaz sont ressorties du pays plus vite qu'elles n'y sont entrées. Des dizaines de chantiers sont à l'arrêt. L'éphémère industrie automobile a disparu comme elle était apparue. Et, le régime, dans sa volonté de se refaire une virginité, a choisi de sacrifier une longue liste d'oligarques et d'anciens ministres et même deux de ses ex-Premiers ministres, sans oublier ses généraux. Certains croupissent à la prison d'El Harrach à Alger quand d'autres sont déjà morts.

Les plus chanceux du régime se sont recyclés en se déclarant fervents soutiens d'Abdelmadjid Tebboune et du chef d'Etat-major de l'armée algérienne, le général de corps d'armée Saïd Chengriha. Il y a aussi ceux qui ont réussi à partir en exil. Encore leur fallait-il bien choisir leur destination. Ghernit Benouira l'a appris à ses dépens. L'ancienne boîte noire de feu Ahmed Gaïd Salah, ex-vice ministre de la Défense, a été rattrapé dans sa fuite par les services secrets turcs, qui après en avoir siphonné toutes les informations qui les intéressaient, ont bien voulu le remettre aux autorités algériennes. Il fait désormais face à des accusations de "haute trahison". 

Deuxième élément de comparaison relevé par Saïd Sadi: la longue liste des dirigeants "algériens assassinés, d’Abane (Ramdane Abane, politicien kabyle tué en 1957 à Tétouan au Maroc, ndlr) à Boudiaf (Mohamed Boudiaf, tué en 1992, après un exil de 28 ans au Maroc, ndlr), en passant par Khemisti (Mohamed Khemisti tué en 1963), Khider (Mohamed Khider tué en 1967 à Madrid) et Krim (Krim Belkacem tué en 1971 à Frankfurt), sans compter les exécutions camouflées". Combien de dirigeants libanais ont été éliminés par des camps rivaux depuis l'indépendance de ce pays? Maarouf Saad, Tony Frangié, Kamal Joumblat, Béchir Gemayel, sans oublier l'emblématique Rafik Hariri, ont tous été éliminés, comme tant d'autres de leurs compatriotes. 

Autres ressemblances avec le Liban: l'existence d'une "diaspora performante à l’extérieur et constitutionnellement marginalisée dans son pays d’origine, des services de sécurité dont la première mission est la protection d’El-Mouradia contre les ennemis intérieurs, et des oligarques qui font main basse sur la ressource nationale". 

Si Alger n'a pas été ravagée par une explosion, la situation n'y est pas moins explosive compte tenu de l'imminent krach financier évoqué par l'Agence France presse (AFP) et de la révolte sociale qui pourrait se déclarer à tout moment selon le cabinet Verisk Maplecroft. Mais, à l'image de ce qui se déroule au Liban, les dirigeants algériens ne sont pas prêts à lâcher le pouvoir malgré les manifestations qui ont fait vaciller le régime. La mafia y est visiblement beaucoup plus forte que le peuple. 

Par Djamel Boutebour
Le 12/08/2020 à 13h04, mis à jour le 12/08/2020 à 13h07