Le référendum sur l’avant-projet de révision de la Constitution est attendu le 1er novembre prochain. Le président Tebboune n'a pas choisi cette date au hasard. Chacun se souvient que la Déclaration du 1er novembre 1954 correspond au premier appel adressé par le Front de libération nationale (FLN) au peuple algérien, en liaison avec la journée d'action de la «Toussaint rouge», marquant le début de la guerre d’indépendance de l’Algérie.
Mais si la date du référendum est censée raviver le sens patriotique des Algériens, la nouvelle Constitution sur laquelle il porte ne semble pas répondre aux aspirations démocratiques et de liberté du peuple algérien qui s’est soulevé pour en finir avec le régime de Boiuteflika. A en croire les réactions qu'elle suscite dans les milieux politiques, cette nouvelle Consitution ne serait qu'une mauvaise copie de celle adoptée par l’ancien régime, notamment en ce qui concerne les pouvoirs qu’elle accorde au président.
Ainsi, si les Algériens croyaient s’être débarrassés d’un régime présidentiel qui accorde presque tous les pouvoirs au président, comme ce fut le cas avec Bouteflika, ils se trompent lourdement. C'est, en tout cas, l’avis tranché de Zoubida Assoul, avocate et présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), s'exprimant sur «Radio M».
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Ayant lu et passé au peigne fin la mouture de la nouvelle Constitution, l’avocate n’y va pas par quatre chemins. Elle la dit taillée pour offrir des pouvoirs «pharaoniques» au président Abdelmadjid Tebboune.
En premier lieu, la présidente de l’UCP s'étonne de la rapidité avec laquelle le Parlement algérien a adopté, sans débat, ce texte.
Pour l’avocate, la mouture adoptée par le Parlement offre au président des pouvoirs dépassant ceux du système de Bouteflika qui était pourtant hyper-présidentiel. «Abdelmadjid Tebboune avait promis qu’il allait diminuer les pouvoirs du président. La dernière mouture fait le contraire. Pour moi, c’est une Constitution pharaonique», déclare-t-elle.
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Et pour cause, aux pouvoirs de Bouteflika, Tebboune «a rajouté d’autres pouvoirs, y compris dans l'Exécutif. Il n’accepte même pas de donner le pouvoir réglementaire au chef du gouvernement ou au Premier ministre. Il l’a constitutionnalisé dans l’article 91. Le pouvoir réglementaire revient au président».
Ensuite, la présidente de l’UCP dénonce le cumul des pouvoirs par Tebboune, comme au temps de Bouteflika, en s’adjugeant, en plus de la présidence, le poste du ministre de la Défense. Pour elle, c’est une aberration que le président, garant de la Constitution et chef suprême des armées, reste ministre de la Défense, et donc logiquement sous la coupe du Premier ministre. En plus, avec ce cumul, l’armée, censée restée en dehors du champ politique, se retrouve au cœur de celui-ci.
Partant, pour Assoul, «jamais, depuis 1963, il n’y a eu autant de confusion entre les pouvoirs, comme c’est le cas sur cette dernière mouture qui a été votée, hélas, par les deux chambres».
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Au niveau judiciaire, alors que les avocats et magistrats militent, depuis le déclenchement du Hirak, pour une indépendance de la justice post-Bouteflika, en rendant la présidence du Conseil supérieur de la magistrature à un magistrat élu par ses pairs de haut rang, la nouvelle Constitution maintient la justice sous la coupe de l’Exécutif. Tebboune fait même siéger les deux présidents des deux chambres du Parlement au Conseil supérieur de la magistrature.
C’est un mélange des genres gravissime, selon l'avocate. En effet, ce sont des membres du pouvoir législatif qui siègent au sein du pouvoir judiciaire, sans compter que 6 membres du Conseil sont nommés par le président. En clair, le président contrôle le pouvoir judiciaire et en a renforcé ce contrôle, comparé à son prédécesseur.
Ce qui permettra à Tebboune de réprimer davantage ceux qui contestent le système, y compris les journalistes qui sont d'ores et déjà condamnés à de très lourdes peines, rien que pour avoir couvert des manifestations populaires.