Voulu par le président Abdelmadjid Tebboune, ce scrutin aura lieu à la date symbolique du 1er novembre, anniversaire du début de la Guerre d'indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).
"Novembre 1954: la libération, novembre 2020: le changement", promet le slogan officiel de la campagne.
Une promesse qui ne semble guère mobiliser les foules, à en croire des Algériens interrogés par l'AFP.
"De quel changement nous parle-t-on? Rien n'a changé avec ces gens au pouvoir. Ils ont volé la révolution de novembre (1954) et aujourd'hui ils veulent voler les espoirs nés du +Hirak+", peste Ali, un ancien syndicaliste.
Soulèvement inédit, pacifique et sans véritable leadership, le "Hirak" est né en février 2019 d'un immense ras-le-bol des Algériens qui réclament un profond changement du "système" en place depuis 1962. En vain jusqu'à présent, même s'il a arraché le départ du président déchu, Abdelaziz Bouteflika.
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Pour le président Tebboune, le projet d'amendement constitutionnel est "la pierre angulaire de la Nouvelle Algérie".
Il "s'inscrit en droite ligne des exigences de l'édification de l'Etat moderne et répond aux revendications du +Hirak populaire authentique béni+", l'expression consacrée par le pouvoir à un mouvement qu'il estime désormais achevé, qualifiant ses partisans de "contre-révolutionnaires".
Au lendemain de son élection en décembre 2019, marquée par une abstention record, M. Tebboune s’était engagé à réviser la Constitution, retaillée sur mesure pour l'ex-président Bouteflika, et à soumettre la réforme à un référendum.
Une commission de constitutionnalistes, nommée en janvier, a remis ses conclusions en mars après consultation des partis, de personnalités connues et de certains représentants de la société civile.
Le projet de révision propose "un changement radical du mode de gouvernance", afin de préparer l’avènement d'une "Nouvelle république".
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Il prévoit de renforcer le principe de séparation et d'équilibre des pouvoirs, afin d'épargner au pays "toute dérive de despotisme tyrannique", de moraliser la vie politique et de rendre transparente la gestion des deniers publics.
Passivité et répression
Mais la grande majorité des Algériens n'a toujours pas pris connaissance de ce texte adopté sans débat par le Parlement début septembre.
"Je ne me sens pas concerné. Pourquoi voter pour un projet auquel je n'ai pas eu accès", lance, furieux, Brahim Bahmed, un Algérois retraité, déplorant que "le large débat promis n'ait pas eu lieu".
Saïd, un chauffeur de taxi, ira lui voter "sans conviction" mais avec l'infime espoir que "les choses changeront peut-être après le vote".
Si radios et TV consacraient des programmes au référendum, aucune affiche électorale n'était encore visible mercredi matin dans Alger.
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Le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Charfi, a assuré à la radio publique que "le scrutin sera(it) transparent et impartial".
Toutefois, seuls ou presque les partis et associations favorables au "oui" pourront de facto animer la campagne électorale qui s'achèvera le 28 octobre à minuit.
L’ANIE "voudrait limiter la campagne électorale aux acteurs qui ont manifesté leur adhésion au projet et éviter que d’autres viennent la parasiter", relève le politologue Mansour Kedidir.
"Difficile d’imaginer un engouement populaire durant la campagne. Avec une passivité déconcertante, le citoyen laisse faire. Il se soucie davantage de la précarité de la vie que de la rhétorique de la réforme", observe-t-il.
Dans un climat de répression à leur encontre, les opposants - une coalition hétéroclite et aux motivations variées allant des islamistes à l'extrême-gauche en passant par les défenseurs des droits humains - dénoncent quant à eux un projet visant à enterrer le "Hirak".
Les uns, tel le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), le principal parti islamiste, appellent à voter "non" tandis que d'autres, proches du "Hirak", prônent le boycott.
"L'abstention risque d'être, comme dans tous les scrutins, le principal gagnant et la crise de légitimité sa conséquence logique", prédit Louisa Dris-Aït-Hamadouche, enseignante en sciences politiques à l'université d'Alger.