S'étant levées tardivement, les autorités algériennes pensaient que les relations qu'elles estimaient privilégiées avec la Russie allait leur servir de caution pour obtenir un demi-million de doses de vaccins Sputnik V. Elles pouvaient d'autant être confiantes qu'au moment où tout le monde avait l'esprit tourné vers la lutte contre la pandémie de Covid-19, l'armée algérienne a continué d'acheter follement des armes de l'ancienne superpuissnce au point de devenir, en 2020, le premier client de la Russie.
Malheureusement, le réveil a été douloureux. Deux mois après la décision d'Abdelmadjid Tebboune prise mi-décembre 2020 de débuter la campagne de vaccination en fin janvier 2021, c'est la déception totale. Les Russes restent cordiaux avec leur client en armes, mais ne comptent pas lui faire de faveur pour autant. A ce jour, l'Algérie n'a reçu que 50.000 doses de Sputnik V pour sauver l’honneur du président Abdelmadjid Tebboune après que ce dernier ait décrété le démarrage de la vaccination sans disposer de vaccins.
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La déconvenue est totale pour un pays qui, en pleine crise économique et financière, n'a pas voulu annuler ses commandes d'armements russes. Les chiffres que vient de publier le service fédéral des douanes de la Russie se passent de tout commentaire.
En 2020, le pays d'Afrique du Nord a acheté pour environ 2 milliards de dollars en armes de la Fédération de Russie, selon le site d’information russe Rbc-Ru, citant les autorités douanières. Le montant allait être beaucoup plus élevé si la Russie n’avait pas reporté certaines livraisons au pays à cause de la pandémie. C’est dire que les dirigeants n’en ont cure du Covid-19, des pénuries de médicaments contre les maladies chroniques (cancer, tension artérielle,...) et de leurs problèmes budgétaires, contrairement à de nombreux clients ayant ajourné leurs commandes.
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Dans cette course à l’armement, l’Algérie a fini par s’adjuger la place de premier acheteur d’armes russes en 2020 auprès de la Russie en détrônant l’Egypte dont les achats d’armes russes se justifient au moins par l’instabilité régionale et les nombreuses tensions sous-régionales, notamment en Méditerranée avec la Turquie. L’Algérie, quant à elle, ne renforce son armement que pour constituer une menace par rapport à ses voisins. C'est ce qui explique que quand l’Egypte réduit ses importations d’armes russes à seulement 600 millions de dollars, l'autoproclamée puissance africaine soit restée boulimique en la matière.
Outre l’Egypte, l’Algérie devance des géants du monde dont la Chine (1,5 milliard de dollars), les Etats-Unis (900 millions de dollars) et l’Inde (700 millions de dollars).
Conséquence de cette frénésie d’achat d’armes, l’Algérie représente, à elle seule, plus de 17% des exportations d’armes russes. Ces exportations comprennent les armes, équipements militaires, avions et certaines matières nucléaires.
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La question qui se pose est de savoir comment un client aussi fidèle de l’armement russe n’arrive pas à figurer parmi les pays prioritaires concernenant le vaccin Sputnik V. Malgré tout le forcing du président Tebboune, le pays n’a obtenu, à ce jour, que 50.000 doses du vaccin Spoutnik V.
Sinon, l'ami russe aurait, selon le gouvernement algérien, promis 1 million de doses d'ici quelques semaines, au moment où un pays comme le Maroc cumule déjà 7 millions de doses reçues et plus de 2 millions de personnes vaccinées.
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La faute est à rechercher dans la médiocrité de la classe politique dirigeante du pays qui n’arrive pas à user de sa force de premier client pour figurer parmi les bénéficiaires du vaccin Sputnik. Il faut aussi dire que la nomenklatura civile algérienne, Tebboune y compris, n’a pas grand chose à avoir avec les importations d'armes. C'est un domaine que se sont réservés les généraux militaro-affairistes qui se succèdent au sommet de la hiérarchie. Ce sont les importantes commissions qui justifient les importants achats d’armes du pays. Du coup, le gouvernement n’a aucune influence sur son partenaire et négocie en position de faiblesse.