Algérie: après le camouflet sur les vaccins, Tebboune décrète la production du SputniK-V

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Le 19/02/2021 à 14h42, mis à jour le 19/02/2021 à 14h59

Incapables d’approvisionner le pays en vaccins déjà disponibles, les autorités font depuis quelques semaines miroiter aux Algériens la production du vaccin russe localement, fixant la date à l'automne prochain. Sa leçon de son décret sur la vaccination ne lui a pas vraiment servi.

Quand est-ce que l’Algérie va-t-elle entamer la production du vaccin russe? Les sorties contradictoires laissent planer un grand doute sur cette annonce faite par les autorités algériennes depuis quelques semaines dans le but de calmer les citoyens algériens mécontents que leurs autorités n’arrivent pas à approvisionner le pays en vaccins produits par les grands laboratoires pharmaceutiques du monde: Pfizer, AstraZeneca, Sinopharm...

N’ayant réellement reçu que 100.000 doses dont 50.000 du russe Sputnik V et 50.000 d’AstraZeneca-Oxford depuis le début des campagnes de vaccination, les autorités algériennes mettent désormais l’accent sur la production locale du vaccin pour calmer le mécontentement de la population, surtout que le voisin marocain est parvenu à acquérir 7 millions de vaccins de Sinopharm et AstraZeneca.

Seulement, malgré les annonces, il y a encore beaucoup de cafouillages sur les laboratoires censés produire le vaccin et la date de démarrage de la production. Mieux, pour certains, cette production est même une mission impossible dans le contexte actuel des capacités de production et de contrôle des unités pharmaceutiques algériennes.

Ainsi, après plusieurs annonces et sorties des dirigeants algériens, le secrétaire général des Laboratoires Frater-Razes, Abderrahmane Boudiba, avait affirmé que son laboratoire avait entrepris des discussions avec un opérateur russe pour la production du vaccin Sputnik V en Algérie. Le responsable de l’une des plus grandes sociétés pharmaceutiques algériennes avait même avancé la production du vaccin Sputnik russe dans un délai de 2 mois. 

Seulement, il y a six jours de cela, le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Lotfi Benbahmed, a précisé que la production du vaccin Sputnik V sera exclusivement assurée par le groupe pharmaceutique public «Saidal». Autrement dit, les groupes qui avaient approché les Russes sont écartés au profit du groupe public.

Et concernant la date du démarrage de la production, lors de sa sortie du jeudi 18 février, le président Abdelmadjid Tebboune dans son discours «urbi-orbi», dans lequel il a annoncé une série de mesures –dissolution de l’Assemblée, élections anticipées, remaniement ministériel, grâces au profit des détenus du hirak, etc.-, a annoncé que le vaccin sera fabriqué en Algérie dans 6 à 7 mois.

Mais en décrétant le démarrage de la production, certains pensent que l’Algérie pourrait se retrouver dans les mêmes conditions que celles du démarrage de la vaccination. 

Sachant que ce délai peut s’avérer court, le président a voulu être rassurant. «Il existe bien des sceptiques, mais nous avons convenu avec nos amis russes de fabriquer ce vaccin», a soutenu le président. Mieux, Tebboune s’est transformé en spécialiste de la fabrication des vaccins. «C’est vrai qu’il s’agit d’un vaccin spécial, mais il existe différentes méthodes pour sa fabrication, soit par la matière brute ou autres», a-t-il expliqué.

Plus explicite, le ministre de l’Industrie pharmaceutique a expliqué que «s’il s’agit de la production locale du vaccin à partir de la matière première assurée par le côté russe, nous pouvons l’entamer dans les quelques mois prochains, contrairement à la fabrication de la matière première en Algérie qui nécessite du temps, ajoutant que «dans les deux cas, notre objectif est de commencer la production dans les plus brefs délais».

Reste que tout le monde ne semble pas être optimiste quant à la production rapide du vaccin en Algérie dans les prochains mois. Après les multiples sorties médiatiques sur la production prochaine du vaccin anti-Covid-19 russe, Noureddine Boudissa, directeur général de l’Organisme algérien d’accréditation (Algerac), qui connaît bien les capacités de l’industrie pharmaceutique algérienne, a expliqué que la production du vaccin Sputnik-V en l’état actuel est quasiment impossible. Selon l’expert, si le pays dispose des ressources humaines compétentes, celui-ci a expliqué que l’Algérie ne dispose pas actuellement de laboratoires spécialisés de Type 4 pour fabriquer le vaccin anti-Covid-19 russe.

«Vérifier la qualité de tout produit a besoin de laboratoires répondant aux normes internationales connues», a-t-il souligné. Autrement dit, l’Algérie ne dispose pas de laboratoires à même de garantir la fabrication du vaccin anti-Covid 19 selon les normes requises.

Le directeur général d’Algerac est allé plus loin dans ses dires en soulignant que l’Algérie ne dispose même pas d’un laboratoire à même d’«homologuer un masque» de protection anti-Covid-19, prouvant ainsi l’incapacité du pays à produire dans l’immédiat le vaccin russe.

Par Karim Zeidane
Le 19/02/2021 à 14h42, mis à jour le 19/02/2021 à 14h59