Législatives en Algérie: éditoriaux vitriolés de la presse belge sur "une façade démocratique"

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Le 12/06/2021 à 12h01, mis à jour le 12/06/2021 à 12h05

Le pouvoir algérien, sans légitimité démocratique ni boussole politique, navigue à vue, écrit samedi le journal belge "La Libre Belgique" dans un article sous le titre "Législatives à haut risque en Algérie". Elles ne sont pas plus qu'"une façade démocratique qui ne dupe personne", selon Le Soir.

"En Algérie, le cynisme des dirigeants plonge les observateurs les plus aguerris dans un abîme de perplexité. Les voilà qui, en quête de légitimité institutionnelle à défaut d'être populaire, organisent des élections législatives anticipées et qui, deux jours avant, en même temps que débarque à Alger une fournée de journalistes étrangers surtout français, embastillent plusieurs des principales voix critiques sur la place d’Alger. Un peu comme si le régime disait à ces envoyés spéciaux : "On va vous dire que l’Algérie n’est pas du tout démocratique, eh bien oui, c’est exact !"", écrit le quotidien dans sa livraison de samedi.

"Façade démocratique qui ne dupe personne", selon Le Soir de Belgique

"La façade démocratique, il est vrai, il n’y a plus grand monde pour faire semblant d’y croire", note l’auteur de l'article, citant le sociologue algérien exilé Lahouari Addi qui explique que "la population a compris que la structure du régime est incompatible avec le principe d’une Assemblée nationale souveraine dans la mesure où le pouvoir souverain est détenu par la hiérarchie militaire".

Selon le journal, le taux de participation à ce scrutin devrait une fois de plus infliger au régime algérien un camouflet. Il rappelle que les deux derniers scrutins, présidentiel et référendaire, avaient connu des taux de participation faibles (40 et 24 %) et certains pensent que les vrais chiffres étaient plus bas encore.

"Pourquoi, en effet, un Algérien – en dehors des « clients » du régime et de quelques rêveurs – se donnerait-il la peine d’aller voter puisque sa voix, où qu’elle aille, n’y changera strictement rien ?", s'interroge l'auteur de l'article.

Le Hirak, qui avait donné d’immenses espoirs et drainé des foules considérables dans toute l’Algérie en 2019, paraît moribond et "n’a pas su engendrer d’alternative politique concrète", ajoute le quotidien, relevant que la société algérienne, "massivement hostile au régime qui l’étouffe, demeure sans représentation politique structurée".

En attendant et comme le souligne le juriste vétéran Madjid Benchikh, poursuit le journal, "l’illégitimité du pouvoir politique, installé par le commandement militaire depuis 1962, n’a pas cessé de se détériorer. La gestion des ressources du pays par des institutions sans représentativité a favorisé la prédation et la corruption au profit de petits groupes constitués autour des dirigeants alors que de larges couches populaires sont en difficulté et de plus en plus marginalisées". Ainsi va l'Algérie de 2021, conclut le quotidien.

Sans légitimité démocratique, le pouvoir navigue à vue

"Sans légitimité démocratique ni boussole politique, le pouvoir navigue à vue. Objectif à court terme : ne pas sombrer en s'accrochant à la bouée policière", souligne pour sa part La Libre Belgique, notant qu'un durcissement de la répression survient dans le pays au terme d’une campagne électorale singulière.

Jeudi, à quarante-huit heures du scrutin, la répression a encore frappé, relève le journal, notant que l’opposant Karim Tabou et les journalistes Khaled Drareni et Ihsen El Kadi ont été arrêtés par des agents de la Sécurité intérieure.

Selon le quotidien, les arrestations de ces trois figures du Hirak, le mouvement populaire qui revendique, depuis février 2019, un changement de "système politique" viennent s’ajouter aux 220 militants incarcérés pour délit d’opinion ou de manifestation pacifique.

Une soixantaine d’entre eux, détenus au pénitencier d’El Harrach, dans la banlieue est d’Alger, sont en grève de la faim depuis une semaine pour dénoncer leur "détention arbitraire et les lenteurs dans le traitement de leur dossier", ajoute le journal.

Pour occuper les 407 sièges de l’Assemblée nationale, 1483 listes sont dans les starting-blocks, rappelle la publication, soulignant que cette élection boycottée par l’opposition et rejetée par le Hirak, vise à légaliser une "alliance nationale-islamiste" qui était dans l’air depuis 2019.

Mais cette alliance, qui permettra de garder la vitrine civile sauve et la "légalité constitutionnelle" respectée même contre la volonté populaire, "réussira-t-elle pour autant à résoudre la crise politique?", s'interroge l'auteur de l'article. "Rien n’est moins sûr, d’autant plus que la situation économique est déjà tragique pour les couches défavorisées, avec son lot de nouveaux chômeurs et de laissés-pour-compte", souligne-t-il.

"Un signe qui ne trompe pas, les Harragas, ces immigrants clandestins qui avaient renoué avec l’espoir en 2019 avec le Hirak, ont repris la mer sur des embarcations de fortune", fait observer le journal.

"En toute impunité. Face au mur, le pouvoir joue avec la boîte de Pandore, au risque de libérer les vieux démons des confrontations ethniques…", conclut le journal.

Par Le360 Afrique (avec MAP)
Le 12/06/2021 à 12h01, mis à jour le 12/06/2021 à 12h05