Algérie. Coronavirus: à cause du confinement, les féminicides explosent

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Le 23/04/2020 à 12h45, mis à jour le 23/04/2020 à 12h49

L'Algérie n'échappe pas au phénomène d'intensification des violences faites aux femmes en cette période de confinement. Les associations de défense des droits de la femme dénoncent à la fois les bourreaux et l'Etat algérien pour son mutisme.

Durant cette période de confinement, les associations de défense des droits de la femme ne cessent de dénoncer les agressions multiples dont la gent féminine est malheureusement victime. Pas moins de 14 féminicides ont été perpétrés depuis le début de l'année, mais le phénomène a nettement pris de l'ampleur avec le confinement à raison d'un meurtre pratiquement tous les trois ou quatre jours.

Depuis le début du mois d'avril, notamment après l'extension du confinement partiel à l'ensemble des wilayas du pays, les femmes sont victimes de violences extrêmes, allant jusqu'au meurtre ou à l'agression à l'arme blanche, selon les récits que dresse la presse algérienne.

Ainsi, dès le samedi 4 avril, à Bouzaréah, dans la wilaya d'Alger, "se servant de son arme de service, un policier a tiré cinq balles en direction de son épouse, devant leurs quatre enfants. Elle n’y survivra pas", relate le quotidien El Watan.

Deux jours plus tard, lundi 6 avril, à Zahana dans la wilaya de Mascara au nord-ouest du pays, c'est un mari qui a choisi de balancer sa femme littéralement par la fenêtre de son appartement situé au deuxième étage de leur immeuble.

Il y a aussi cette mère, habitante de Ouled Aiche dans la wilaya de Rélizaine qui, le 14 avril, a été tuée par son fils de 25 ans à coups de couteau. Elle mourra avant d'être évacuée à l'hôpital.

Une semaine plus tard, dans la wilaya de Chenoua au Douar Bouras, un homme, la trentaine, agresse à l'arme blanche la mère de ses trois enfants. Pourtant, ses voisins le décrivent comme étant de nature très calme, toujours selon le quotidien El Watan.

Il s'agit d'une violence généralisée, à laquelle, même les célébrités n'échappent pas. Par exemple, il y a quelques jours, Cheba Nivin, une chanteuse de raï, a publié une vidéo dans les réseaux sociaux pour dénoncer son conjoint. "Mon mari m’a donné sept coups de couteau partout sur le corps. Grâce à Dieu, je suis enceinte et je suis toujours vivante. Je ne retournerai pas chez lui, il a voulu me tuer", explique-t-elle, couchée sur son lit d’hôpital.

Selon le collectif des Femmes algériennes vers le changement pour l'égalité (Face), ces quelques exemples relayés par les médias où via les réseaux sociaux sont le reflet d'un phénomène bien ancré dans la société, mais que le confinement semble mettre au grand jour.

"Nous exhortons les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités en mettant en place les mesures nécessaires pour que cessent les violences faites aux femmes et aux enfants", écrivent les responsables de Face dans un communiqué.

Le collectif dénonce le mutisme des autorités face à ce phénomène. Depuis 2013, le gouvernement, notamment les autorités judiciaires algériennes, se refusent à communiquer les vrais chiffres concernant les féminicides en particulier et les violences faites aux femmes en général.

Or, "selon les association, c’est une situation complexe à laquelle les femmes violentées sont confrontées. Les femmes victimes de violences sont contraintes de rester, plus que d’ordinaire, en présence de leurs bourreaux. Elles ne peuvent, de ce fait, pas prendre le téléphone afin d'alerter les associations pour avoir un conseil ou une oreille attentive", écrit El Watan. Un phénomène encore plus présent en ces temps de confinement, où ni les bourreaux, ni les victimes ne peuvent quitter le domicile.

Il convient néanmoins de noter que la violence contre les femmes s'est amplifiée partout dans le monde, en cette période où plus de la moitié de la population mondiale s'est confinée.

Par Ismail Traoré
Le 23/04/2020 à 12h45, mis à jour le 23/04/2020 à 12h49