Algérie: pénurie de l’huile de table, la commission d’enquête parlementaire indexe le ministère du Commerce

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Le 16/02/2022 à 16h08, mis à jour le 16/02/2022 à 16h09

La commission d’enquête parlementaire chargée de mettre en lumière les raisons de la pénurie de l’huile de table a lavé à grande eau la réputation des commerçants qui avaient été qualifiés de «spéculateurs». Elle met effectivement en avant la responsabilité du département du ministère du Commerce.

La commission d’enquête parlementaire du Sénat sur la pénurie de l’huile de table a bien confirmé l'existence de cette pénurie et pointe du doigt la responsabilité du département du ministère du Commerce.

Il avait été très dur envers les commerçants détaillants en leur faisant porter toute la responsabilité de cette pénurie, qu’il avait même niée en annonçant que l’Algérie produisait abondamment ce produit et pouvait même exporter ses excédents dans les pays voisins.

Que nenni, lui a répondu la commission d’enquête. Après plusieurs semaines d’investigation sur le terrain ayant conduit ses membres dans différentes régions, notamment frontalières, de visites dans des unités de production et dans des commerces, la commission a rendu sa copie.

Premier constat, contrairement aux annonces des dirigeants algériens sur la disponibilité en quantités suffisantes de l’huile de table, la commission a révélé que la pénurie est donc bien réelle. A ce titre, elle pointe du doigt «la présentation d’arguments et de déclarations peu convaincantes, en limitant les causes de la crise à la spéculation».

Ensuite, concernant la pénurie, contrairement aux chiffres avancés par le ministère du Commerce, la production est loin d’être aussi importante. Et pour cause, certains producteurs ont tout simplement refusé d’augmenter leur cadence pour faire face à cette situation justifiant leur décision par le fait qu’ils n’ont pas perçu leur compensation de la part du ministère du Commerce. Or, l’huile étant subventionnée par l’Etat, sans cette compensation, les producteurs se retrouvent avec un énorme manque à gagner, surtout dans le contexte actuel de la hausse des cours des matières premières et intrants sur le marché international.

Plus explicite encore sur ce point, la commission révèle que certains huiliers n’ont pas perçu de compensation depuis plus d’une année, à l'instar de l'un d'entre eux, installé dans la région d’Oum El Bouaghi, qui ne l’a pas reçu depuis janvier 2021. Or, sans cette compensation, ces producteurs vendent à perte, sachant que l’huile de table subventionnée est vendue à un prix fixe.

D’où leur réticence à augmenter leur production et donc à creuser leurs pertes, ne sachant pas quand les autorités débloqueront cette compensation.

En clair, c’est la principale raison de cette pénurie d’huile. Et le président de la commission, Smail Kouadria, met la responsabilité sur le département du ministère du Commerce en charge du processus de compensation et donc responsable des retards.

Et même la décision unique au monde du ministre d’interdire la vente d’huile aux citoyens algériens âgés de moins de 18 ans n’a pas échappé à la commission d’enquête qui a accusé le ministre du Commerce de prendre des décisions improvisées.

Certains producteurs restent pointés du doigt pour leur refus d’augmenter les quantités de production de l’huile de table, en prétextant la faiblesse de la marge bénéficiaire. Il faut souligner que ces producteurs qui importent des intrants font face à la flambée des cours des oléagineux sur le marché mondial et la hausse du coût du fret maritime sous l’effet combiné de la pénurie de conteneurs et de la hausse du tarif du fuel dans le sillage de celui du pétrole.

En outre, la règlementation des prix, trop rigide et inadaptée, que les gouvernements successifs évitent de réformer, expliquent la réticence des producteurs à augmenter leur production sachant que les prix plafonnés réduisent effectivement leurs marges. Ainsi, certains huiliers n’hésitent pas à augmenter les prix afin d’atténuer l’impact de la hausse des prix des matières premières et des coûts de transport.

Au même titre que les producteurs, les grossistes refusent aussi aussi de commercialiser les huiles du fait de la baisse de leurs marges.

Selon la commission, outre la responsabilité du département de Kamel Rezig, ministre du Commerce, la pénurie a été aggravée par les fausses informations sur les réseaux sociaux affectant le modèle de consommation et exacerbant la crise, l’absence d’information précises et une mauvaise communication.

A travers cette commission d’enquête, l'honneur des commerçants a toutefois été lavé, et à grande eau, quant à leur implication dans cette pénurie d’huile de table. Ces commerçants avaient en effet été qualifiés, entre autres, de spéculateurs par le ministre du Commerce et par le président Abdelmadjid Tebboune et la loi avait même été modifiée pour les punir davantage avec des peines de prisons et d’amendes élevées pour ces soit-disant «spéculateurs». 

La «main extérieure», à l’origine de tous les maux de l’Algérie, n’a pas été citée par les membres de la commission d’enquête parlementaire. De même, la contrebande, si elle existe, ne figure pas non plus parmi les facteurs subalternes. Avec cette conclusion de la commission d'enquête, les Algériens savent désormais où se situe la réalité.

Par Karim Zeidane
Le 16/02/2022 à 16h08, mis à jour le 16/02/2022 à 16h09