L'Afrique du Sud attend avec inquiétude le verdict que les agences de notation financière doivent livrer à partir de ce vendredi 25 novembre 2016 sur l'état de son économie, malmenée par une croissance en berne et les scandales de corruption qui visent son gouvernement. Depuis des mois, l'ombre d'une dégradation plane avec insistance sur le pays le plus développé du continent, qui pourrait de fait, rejoindre le peloton des Etats où il est le moins intéressant d'investir, voire franchement déconseillé de le faire.
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Moody's, qui crédite pour l'heure l'Afrique du Sud d'un BAA2, deux crans au-dessus du niveau "spéculatif", doit publier sa note actualisée vendredi à la clôture des marchés. Standard & Poor's et Fitch, qui classent le pays un cran en-dessous de Moody's, doivent lui emboîter le pas dans une semaine.
Leur décision est très attendue. Une dégradation ne ferait que renforcer la perplexité des investisseurs étrangers, qui doutent des capacités du président Jacob Zuma, empêtré dans les affaires, à faire redémarrer l'économie de son pays. "A long terme, c'est une décision grave parce qu'elle place (le pays) sur une pente négative", explique Dennis Dykes, chef économiste à la Nedbank.
Depuis des années, la machine économique sud-africaine tourne au ralenti, victime notamment de la chute des cours des matières premières. Après +1,3% en 2015, la croissance de son produit intérieur brut (PIB) ne devrait guère dépasser 0,5% cette année.
Vingt-deux ans après la fin officielle de l'apartheid, le pays reste perclus d'inégalités, avec un taux de chômage au plus haut depuis treize ans et qui frappe 27,1% de sa population active. Pour éviter une sanction des agences, le gouvernement a multiplié les signes de bonne volonté à l'endroit des investisseurs.
Vains efforts
Réinstallé au portefeuille des Finances il y a un an, Pravin Gordhan s'est dépensé sans compter pour rassurer les marchés, mais son conflit ouvert avec M. Zuma et son entourage sur la gestion des entreprises publiques a affaibli sa position. Pour apaiser le climat social, le gouvernement a dévoilé dimanche un projet de salaire mensuel minimum. Et il a suggéré mardi un étalement de son futur programme nucléaire, dont le coût estimé à 1.000 milliards de rands (65 milliards d'euros) inquiète.
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Malgré ces efforts, nombre d'analystes voient mal comment l'Afrique du Sud pourrait échapper à une sanction. Tôt ou tard. "Ces récentes initiatives (...) vont prendre plus de temps que prévu pour se matérialiser. Et les progrès sur la réforme du marché de l'emploi et le programme énergétique vont probablement être retardés par des divergences", juge Darias Jonker, du centre d'analyses Eurasia Group.
L'épée de Damoclès plane toujours
"Nous avons significativement réduit depuis le début de l'année la probabilité d'une dégradation", abonde Peter Montalto, de la banque Nomura, "mais nous la pensons toujours possible". Plus que son éventuel abaissement, d'autres s'intéressent d'abord à la perspective que les agences attacheront à leur note.
"L'important, c'est de voir si Moody's va faire passer sa perspective de négative à stable", note Rian Le Roux, économiste en chef au groupe Old Mutual Investment. "Une perspective stable laisserait entendre qu'il n'a pas l'intention de la faire passer bientôt au statut spéculatif, ce qui serait bien accueilli par les investisseurs".
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Avant le verdict des agences, M. Zuma a défendu bec et ongles, mercredi, sa politique économique. "Je pense que nous avons fait beaucoup, en travaillant ensemble, pour créer les conditions favorables à la croissance et éviter toute dégradation", a-t-il assuré devant les députés.
Malmené depuis des mois par ses rivaux, le chef de l'Etat s'est surtout efforcé de minimiser les conséquences politiques d'une éventuelle dégradation, en rappelant celles infligées récemment à la France, au Royaume-Uni, à la Russie ou au Brésil. "En Afrique du Sud, nous politisons les notations (...) alors que ce n'est pas un problème dans les autres pays", a-t-il déploré.