La croissance sera molle sur le vieux continent dans les années à venir. A l’opposé, le continent africain qui affiche des retards de développement énormes, a tout le potentiel pour connaître une trentaine d’année «glorieuses». Et sur ce point, toutes les grandes puissances économiques occidentales et émergentes sont unanimes.
Pour les hommes politiques et opérateurs économiques français, l’Afrique est désormais une priorité. Ainsi, lors du face-à-face entre les deux candidats de la primaire de la gauche pour la prochaine présidentielle, Manuels Valls n’a pas manqué de parler de «grand continent de l’avenir».
Les opérateurs économiques français sont encore plus directs quand ils considèrent que l’Afrique peut constituer le relais de croissance face au tassement de la croissance en Europe. La multiplication des missions d’affaires sur le continent au cours de ces dernières années illustre bien la volonté des opérateurs économiques français de revenir sur le continent. Le patronat français multiplie les rencontres avec les acteurs économiques africains en France et sur le continent africain afin de renouer les liens entre le patronat français et ses homologues du continent. A titre d’illustration, le sommet Afrique-France organisé à Bamako en janvier dernier a vu la participation de plus de 70 chefs d’entreprises françaises.
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Le retour des acteurs économiques hexagonaux apparaît aujourd’hui comme une nécessité. Le continent, avec 1,3 milliard d’habitants, offre de réelles opportunités d’affaires. En effet, outre les richesses du sous-sol africain, la hausse du pouvoir d’achat et l’émergence d’une classe moyenne font que de nombreux pays africains sont devenus potentiellement très attractifs pour les entreprises étrangères. En plus, alors que l’économie mondiale ne redécolle pas, de nombreux pays du continent, ne disposant pas de ressources naturelles arrivent à afficher des taux de croissance annuelle dépassant les 6%. C'est le cas de l'Ethiopie, de la Tanzanie, de la Côte d’Ivoire, du Rwanda, du Kenya, du Sénégal, de l'Ouganda, etc.
Certes le déficit criant en infrastructures constitue un obstacle majeur au développement des courants d’affaires mais il n’en constitue pas moins pour les entreprises françaises des opportunités d’investissement. Le continent manque de tout, ou presque: routes, autoroutes, ports, chemin de fer, réseaux d‘assainissement et d’eau, énergie, logements, etc. Le continent a besoin, selon les estimations de la Banque mondiale, d'environ 100 millions de dollars d‘investissements par an durant une dizaine d’années dans les infrastructures pour combler son retard.
D’ailleurs, au moment du désengagement des entreprises françaises, certaines d’entre elles ont néanmoins préféré rester et même d’y renforcer leur positionnement.
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C’est le cas notamment du groupe Bolloré qui profite largement aujourd’hui de la reprise économique et qui investit fortement dans la logistique portuaire, le transport des marchandises et ce, dans de nombreux pays d’Afrique. Ces investissements constituent de véritables relais de croissance pour le groupe qui réalise désormais une bonne partie de ses bénéfices en Afrique. C’est le cas aussi de Total qui réalise le tiers de sa production en Afrique, d’Areva et d’Eramet qui exploite respectivement l’uranium au Niger et le manganèse au Gabon. Ces entreprises tirent aujourd’hui profit de la nouvelle dynamique du continent.
Pour les autres, le retour annoncé sera plus compliqué. En effet, la nature ayant horreur du vide, les entreprises françaises, habituées à des situations de monopoles ou quasi-monopoles, ont été remplacées et parfois même poussées à quitter le continent par des acteurs venant notamment des pays émergents tels que la Chine, le Brésil, la Turquie, la Russie, l'Inde, le Maroc, etc. Des pays qui ont copié le modèle du sommet Afrique-France en l’axant davantage sur les affaires avec les Forum Afrique-Japon, Afrique-Chine, Afrique-Inde, Afrique-Turquie, etc.
La Chine est aujourd’hui omni-présidente dans toute l’Afrique, rivalisant avec l’ex-puissance coloniale même dans ce qui était jusqu’à un passé récent le «pré carré» de la France, le Maghreb et la zone Franc CFA. Aujourd’hui, presque tous les grands projets ferroviaires du continent (Ethiopie, Nigeria, Afrique de l’Est, etc.), les grands barrages hydroélectriques (Ethiopie, RD Congo, Cameroun, Guinée, etc.), les infrastructures (autoroutes, ports, stades, etc.) échoient aux entreprises chinoises. Disposant de réserves en devises colossales, la Chine soutient ses entreprises étatiques et apporte des financements aux projets que réalisent ses entreprises. Ce qui fait la différence avec l’hexagone qui ne peut suivre la cadence des investissements chinois en Afrique. Du côté de la finance, les banques marocaines-Attijariwafa bank, BMCE Bank of Africa et la Banque populaire- sont devenus leaders au niveau de la région, reléguant les banques françaises au second plan.
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C’est dire que le retour des entreprises françaises tant souhaité ne sera pas facile pour quantité d’entre elles. Elles ont beaucoup perdu au niveau financier suite au départ de grandes banques françaises du continent. Une situation qui a largement profité aux banques marocaines, devenues leaders en Afrique de l’ouest et centrale. Face à cette situation, certaines d’entres elles reviennent sur le continent via des relais d’entreprises marocaines dans le cadre de co-investissements et de co-développement en Afrique. A titre d’exemple, Lafarge fait aujourd’hui de l’Afrique sa priorité en s’alliant avec la SNI avec la création de LafargeHolcim Maroc Afrique.
En clair, le retour des Français en Afrique ne se fera plus en terrain conquis, et ce d’autant moins que le processus démocratique a redistribué les cartes dans certaines régions du continent. De même, celui-ci, outre la concurrence des pays émergents, se fera aussi avec l’appétit nouveau de certains acteurs européens comme l’Allemagne qui commence à investir dans le continent et souhaite désormais s’y faire une place.
Reste que la Françafrique continuera à jouer un peu pour certaines entreprises. Toutefois, l’hexagone doit tourner la page et miser désormais sur des partenariats «gagnant-gagnant», comme cela réussit actuellement au Maroc, pour reconquérir une partie des marchés perdus face aux concurrents plus nombreux et plus entreprenants.