Afrique: faut-il utiliser les céréales pour produire du carburant ou pour se nourrir?

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Le 27/08/2017 à 08h32, mis à jour le 27/08/2017 à 08h35

Alors que beaucoup souffrent encore de la faim en Afrique, des experts réunis mercredi 23 août à Yaoundé ont réfléchi aux enjeux que représente la production des biocarburants à partir de céréales, sur le continent. Trente pays africains seraient déjà engagés dans la course.

Selon l’ONU, en cette année 2017, la famine menace 20 millions de personnes en Afrique, à cause de la sécheresse qui compromet les récoltes. Dans ce contexte, comment comprendre que des milliers de stocks de céréales (sorgho, soja, maïs, etc.) soient utilisés dans la production de carburants, fussent-ils bio?

Pourtant, à l’initiative de la Fondation Konrad Adenauer, organisme public allemand basé à Yaoundé, divers experts se sont retrouvés autour d’une table mercredi dernier, afin de réfléchir sur les enjeux de la production des biocarburants au Cameroun et en Afrique. Objectif, «savoir comment capitaliser ce secteur en tant que moyen alternatif à la lutte contre la pauvreté», a expliqué Olivier Ruppel, directeur de la fondation Adenauer.

On apprend que depuis 2008, avec la flambée du cours du baril de pétrole, la production des biocarburants s’est démocratisée sur le continent africain. A priori, c’est un danger pour l’alimentation des hommes. Car, l’on se demande pourquoi investir dans l’agriculture pour satisfaire des besoins énergétiques, alors que les besoins alimentaires touchant à la survie sont loin d’être comblés.

Mais à en croire Dr Jean Marcial Bell, agro-environnementaliste, la question n’est pas à ce niveau: «il faut comprendre que nous nous trouvons dans un enjeu mondial. Qu’on le veuille ou non, il y a des multinationales qui s’installent en Afrique et utilisent nos terres pour des besoins énergétiques. A priori, ils investissent dans l’agroalimentaire, mais au fond, c’est pour produire du biocarburant. Il est donc impératif pour nous, Africains, d’établir une réflexion froide sur notre engagement. Comprendre que ça existe et qu’il faut que nous en tirions des bénéfices».

Justement, on apprend que la production d’éthanol (céréales ou canne à sucre) et de biocarburants (huiles de palme ou graine de jatropha) progresse rapidement et devrait doubler au cours des dix ans à venir. Les Etats-Unis sont les premiers producteurs d’éthanol, avec 48% de la production mondiale, devant le Brésil 31% tandis que l’Union européenne est à l’origine de 60% de la production mondiale de biodiesel.

Sur le continent africain, les experts indiquent que le Sénégal est l’un des champions dans la production de biocarburant, à base de graines de jatropha, non comestible.

Globalement, l’on note que l’Afrique de l’Ouest est pleinement engagée dans la production des biocarburants. Au total, trente de pays africains, dont le Cameroun, le Nigeria, le Mali, le Zimbabwe, produisent déjà des agrocarburants, selon l’Association africaine des producteurs de biocarburants (AAPB). Un regroupement né en 2006 à Ouagadougou, en marge d’un atelier sur le développement de la filière biocarburants dans l’espace UEMOA. Mais aujourd’hui, l’Afrique du Sud est en pointe, avec la promotion de cette nouvelle énergie, produite à l’échelle industrielle. Reste que tous ces Etats gagneraient parallèlement à asseoir l’autosuffisance alimentaire de leurs populations. Car, entre manger et conduire, le choix semble évident.

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 27/08/2017 à 08h32, mis à jour le 27/08/2017 à 08h35