Début janvier, le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Jose de Lima Massano, a annoncé une petite révolution: la mise en place progressive d'un système de changes flottants.
La devise angolaise était arrimée depuis 2016 au billet vert au prix invariable de 166 kwanzas pour 1 dollar. Mais ce taux était bien loin de refléter la valeur réelle du kwanza, qui s'échange au marché noir à plus de 400 pour un dollar.
"Nous avons un taux de change qui ne reflète pas la vérité", a lui-même concédé Massano.
Les autorités ont donc décidé de laisser flotter leur monnaie dans une fourchette tenue secrète pour éviter la spéculation. La première étape vers un système de conversion exclusivement régi par l'offre et la demande promis d'ici à la fin 2018.
Le patron de la Banque centrale a justifié sa décision par la nécessité d'enrayer "la baisse continue de ses réserves de change".
En 2014, le deuxième producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne a été frappé de plein fouet par la chute des cours du brut, de très loin sa principale ressource.
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Cette dégringolade a plongé tout le pays dans la crise. Après plusieurs années de taux de croissance "à la chinoise", l'Angola a dangereusement flirté avec la récession et dilapidé ses réserves en dollars pour soutenir, en vain, sa monnaie.
Urgence
Ce capital, estimé par les analystes à 20 milliards de dollars début 2017, a fondu à 14 en novembre, selon la Banque centrale.
"Si notre niveau de dépenses en devises étrangères continue à ce rythme, nous courons le risque de les voir encore chuter de moitié d'ici à la fin de l'année", a plaidé Jose de Lima Massano.
Cette évaporation de billets verts a convaincu le nouveau gouvernement de réagir.
Il y avait urgence. Des entreprises étrangères prestigieuses comme Emirates ont récemment pris leurs distances avec l'Angola, empêchées par un strict contrôle des changes de rapatrier leurs recettes locales en dollars.
Le nouveau président Joao Lourenço a succédé en septembre à la tête de l'Angola à Jose Eduardo dos Santos, qui a dirigé d'une main de fer le pays pendant trente-huit ans.
Ancien apparatchik, il proclame depuis qu'il va lutter contre la corruption et relancer l'économie du pays, un des plus pauvres du monde malgré sa rente pétrolière.
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Son plan est drastique. Austérité, privatisations et, surtout, sortir du tout-pétrole. "L'Angola n'a pas d'autre choix que de diversifier son économie", a répété Lourenço mi-janvier devant la presse. "C'est absolument nécessaire. Notre salut est là".
Pour y parvenir, il souhaite faire revenir les entreprises étrangères et leurs précieux billets verts. Le régime de changes flottants s'inscrit dans cet effort de longue haleine.
Douloureux
Mais comme le redoutaient les analystes, ce nouveau système a entraîné une dégringolade de la valeur du kwanza. En trois semaines, la devise locale a perdu 18% de sa valeur par rapport au dollar et plus de 25% par rapport à l'euro.
"Ce n'est pas une dévaluation, c'est une dépréciation", a tenu à rassurer le gouverneur Massano.
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N'empêche. Première conséquence, la chute du kwanza n'a pas tardé à faire grimper les prix, dans un pays où l'inflation caracole déjà officiellement à plus de 30%.
Dans les rues de la capitale Luanda, c'est la valse des étiquettes. "Tous les produits importés sont plus chers", se plaint un commerçant du quartier de Palanca, Ibrahim Nour. "Comme les salaires continuent à baisser, nous perdons nos clients".
"Cette dévaluation aurait dû être faite bien plus tôt, au moment du boom économique", déplore l'économiste Precisio Domingos, de l'université catholique de Luanda. "Aujourd'hui, c'est beaucoup plus douloureux pour les populations".
Le mouvement de repli de la devise angolaise ne semble pas vouloir s'arrêter. Pour éviter que ce recul ne creuse un peu plus ses déficits, l'Angola veut désormais renégocier sa dette extérieure. "Une priorité", a lâché son ministre des Finances, Archer Mangueira.
Les investisseurs ont jusque-là bien accueilli les réformes du nouveau régime de Luanda. La plupart estiment que ses efforts paieront, notamment sur les comptes publics.
"Lourenço utilise sa légitimité politique de nouveau président pour faire de grands pas en avant", s'est réjoui William Jackson, de Capital Economics. "La dévaluation peut causer des problèmes à court terme mais s'avérer positive à long terme".