Cameroun: Boko Haram et crise anglophone plombe l'économie

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Le 04/10/2018 à 08h12, mis à jour le 04/10/2018 à 08h14

Entreprises à l'arrêt et chômage grandissant en régions anglophones, sous-développement chronique dans le Nord attaqué par Boko Haram: au Cameroun, qui élira dimanche son nouveau président, les différentes crises ont frappé de plein fouet l'économie nationale.

Dans les deux régions anglophones victimes d'un conflit armé et où vit 20% de la population camerounaise, le cacao et le café sont deux produits phares: 45% du cacao produit au Cameroun l'est au Sud-Ouest, et 75% du café arabica camerounais vient du Nord-Ouest, selon le patronat camerounais, le Gicam. Mais, dans un rapport diffusé mi-septembre, le Gicam estime que les recettes d'exportation de ces deux denrées ont chuté de 20% à cause du conflit.

La production de cacao et de café pâtit de "l’insécurité et des déplacements de populations (qui) sont préjudiciables aux activités agricoles et à l'entretien des plantations". Les combats sont devenus quotidiens dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest où, depuis fin 2017, les séparatistes anglophones se réclamant d'un Etat indépendant ont pris les armes contre Yaoundé.

Ceux-ci ciblent particulièrement les symboles de l'Etat, mais aussi les entreprises francophones et étrangères qu'ils estiment être des soutiens du pouvoir central. Ils ont plusieurs fois appelé au boycott de ces entreprises. Au moins une dizaine de chefs d'entreprise et salariés travaillant en zone anglophone ont été enlevés depuis fin 2017. D'autres ont été tués.

Conséquence première, les entreprises présentes dans la zone ont pour la plupart mis la clé sous la porte. Selon l'ONG Human is Right (basée à Buea, capitale régionale du Sud-Ouest), cette crise a abouti à une hausse de 70% du taux de chômage dans le secteur de l'agriculture de cette région.

La Cameroon Development Corporation (CDC, public), fleuron de l'économie camerounaise et un des principaux employeurs du pays, a ainsi dû ralentir l'activité en zone anglophone: sur 29 sites de production, seulement 7 sont encore totalement opérationnels, selon le Gicam.

Exactions sur ses employés, usines vandalisées, maisons d'employés incendiées, véhicules de transport volés... Pour le patronat camerounais, cette crise pourrait être "la goutte d'eau de trop" pour la CDC et d'autres entreprises tournées vers l'exportation, qui subissent déjà les effets du contexte économique national.

"Conséquences sur le long terme"

"Tout est fermé, les écoles, les entreprises. C'est une ville sans vie", explique un habitant de Buea à l'AFP, alors que la ville était auparavant un des poumons économiques de la région et du pays. L'armée et les séparatistes s'y sont affrontés début septembre, dans les faubourgs. Des coups de feu y sont entendus chaque jour jusqu'aux portes de l'Université, principal lieu de connaissance du Cameroun anglophone. "Cette crise va avoir des conséquences sur le long terme", se désole un travailleur humanitaire.

Dans son rapport, le Gicam note que la couverture réseau est "fortement perturbée" dans tout le Cameroun anglophone: si les pylônes n'ont pas été détruits par les séparatistes, leur accès est impossible pour l'entretien. Dans une zone déjà très rurale, il n'y "a plus d'accès au monde extérieur", note l'habitant de Buea: "c'est dramatique pour l'économie et pour le futur des populations, elles sont déplacées, les entreprises sont fermées, les combats sont là, comment voir le futur?"

Dans le Sud-Ouest, 246.000 personnes ont fui leur domicile et 25.000 ont quitté le Cameroun vers le Nigeria, selon l'ONU. Aucun bilan statistique n'est disponible pour le Nord-Ouest.

"Pauvreté aggravée"

Dans la région de l'Extrême-Nord, cible depuis 2014 des assauts répétés des jihadistes de Boko Haram, l'impact économique est différent: au contraire des régions anglophones dynamiques et historiquement créatrices d'emploi, l'Extrême-Nord se caractérise par un retard de développement criant. Et les attaques jihadistes ont "aggravé" le niveau de précarité de cette région, déjà la plus démunie du pays.

"J'avais mon champ à Djakana, mais j'ai dû fuir à cause de Boko Haram", indique Ali, aujourd'hui déplacé à Mora, une ville de la région. "Avant l’arrivée de Boko Haram, l’Extrême-Nord était déjà la région la plus pauvre du Cameroun", estime le centre d'analyse International Crisis Group (ICG) ajoutant que "le conflit a aggravé cette situation".

Pour un haut gradé de l'appareil sécuritaire à Mora, il "va falloir reconstruire, c'est le grand chantier désormais". A Maroua samedi, le président Paul Biya, candidat à un septième mandat dimanche, a réitéré cette volonté de reconstruire en promettant des grands projets pour la région.

Parmi ceux-ci, la mise en place de la ligne de chemin de fer vers le Tchad, l'exploration pétrolière, ou encore le retour du tourisme qui s'était évanoui avec l'arrivée des jihadistes du groupe nigérian.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 04/10/2018 à 08h12, mis à jour le 04/10/2018 à 08h14