Le patronat camerounais, à travers le Groupement inter-patronal du Cameroun (GICAM), s’inquiète de l’impact négatif de la crise anglophone qui sévit dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest depuis la fin de l’année 2016 sur l’environnement économique et le climat des affaires dans le pays.
Dans une étude publiée sur le sujet ce mois, le GICAM estime le manque à gagner en termes de chiffre d’affaires à plus de 269 milliards de francs CFA, ainsi que plus de deux milliards de francs CFA de destruction de biens immobiliers. Les secteurs de la distribution (84,75 milliards FCFA), les industries agroalimentaires (43,3 milliards de FCFA), la filière cacao-café (67,3 milliards de FCFA), les services agricoles (41 milliards de FCFA), les télécommunications (12 milliards de FCFA), les agro-industries locales (24,6 milliards de FCFA) sont les secteurs qui payent le plus lourd tribut.
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«Il convient de signaler que le manque à gagner en termes de chiffres pour ces entreprises implique mécaniquement un manque à gagner immédiat de 5.919.235.059 francs CFA de recettes fiscales pour l’Etat au titre de l’acompte de l’impôt sur les sociétés (dont le taux est fixé à 2,2% calculé sur le chiffre d’affaires)», précise le rapport du GICAM.
En termes d’emplois, les pertes sont essentiellement celles des entreprises agroindustrielles. Dans l’ensemble, près de 8.000 emplois relevant du secteur formel sont aujourd’hui menacés, en plus des 6.434 emplois déjà perdus sur les sites en arrêt de production des agro-industries. «Avec la perte des investissements et des marchés dans les régions du sud-ouest et du nord-ouest, une menace sérieuse pèse sur la continuité des activités de plusieurs entreprises, y compris les plus importantes», s’alarme le GICAM.
Mesures urgentes de sauvegarde
L’environnement économique s’est dégradé dans les deux régions anglophones, du fait notamment, d’une part, des «opérations villes mortes» caractérisées par la fermeture (souvent partielle) des commerces, des services et des entreprises. D’autre part, la coupure d’Internet décidée à la mi-janvier 2017 pour des impératifs sécuritaires (d’une durée de trois mois), avait lourdement handicapé l’activité dans plusieurs secteurs, notamment celui des établissements bancaires, des compagnies d’assurances, des établissements de commerce et distributions qui se sont retrouvés littéralement coupés de leurs bases.
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Par ailleurs, il y a aussi les attaques ciblées qui ont commencé par les chantiers de réalisation des infrastructures publiques. Elles ont ensuite ciblé les installations des entreprises parapubliques (notamment PAMOL et CDC), paralysant systématiquement l’activité de ces mastodontes qui ont pourtant des effets structurants importants sur l’écosystème économique de leurs zones d’implantation et au-delà.
Les attaques sont désormais perpétrées de manière aveugle sur les outils de production dans tous les secteurs d’activité. Ces deux régions, au plan économique, sont désormais caractérisées par la fermeture de la plupart des unités de production installées, le retrait de la présence commerciale pour les entreprises qui y avaient des agences, ainsi que la rupture involontaire des contrats avec les partenaires et sous-traitants couvrant ces régions.
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Le renforcement des mesures de sécurité autour des installations encore opérationnelles et pour les employés qui y travaillent encore renchérit considérablement les coûts opérationnels, ainsi que l’annulation des plans d’extension et d’investissement des entreprises dans ces régions.
Pour le GICAM, la crise anglophone pourrait entraîner l’ensemble de l’économie camerounaise vers la récession. Des mesures urgentes de sauvegarde s’imposent pour juguler ce risque. «La plus importante est la stabilisation du contexte sécuritaire de manière à stopper la dégradation de la situation et enclencher un processus de retour à la paix dans l’ensemble du pays. Il est impératif d’éviter l’extension du climat d’insécurité à d’autres zones et régions du pays», affirme le GICAM. Le patronat camerounais milite aussi pour un soutien de l’Etat aux unités productives encore opérationnelles dans ces régions.