Alors qu’il devait être aux côtés de ses pairs, le président tchadien a quitté précipitamment la COP22 et n'a même pas pu assister à l’African action summit. La raison de ce départ hâtif n’est autre que la crise dans son pays.
Roland Marchal, chercheur à Sciences-Po Paris perçoit un "signe de faiblesse" dans le retour précipité il y a quelques jours d’Idriss Déby à N'Djamena en provenance de Marrakech où se tenait un sommet africain en marge de la COP22, parce que son gouvernement faisait l'objet d'une motion de censure. Les députés du parti présidentiel ont été invités à boycotter le vote à bulletin secret. "Par peur que certains ne votent la motion de censure et que le gouvernement ne soit renversé", explique Roland Marchal. Dès qu’il est rentré, il s’est mis au travail. Il a ainsi reçu les magistrats vendredi dernier afin de désamorcer leur grève.
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Depuis quelque temps, Idriss Deby Itno, le président tchadien est confronté à une crise profonde qui fait tanguer son régime. Pourtant, en Afrique, le Tchad est devenu incontournable dans la lutte contre les djihadistes. Le rôle joué par l’armée tchadienne au Mali contre les combattants d’Aqmi et du Mujao, mais également au Nigeria contre Boko Haram est inestimable.
"On redoute le pire"
Sauf que ces interventions ont un coût relativement élevé. D’autant que, l'économie tchadienne qui dépend des recettes pétrolières a subi de plein fouet la chute des cours des hydrocarbures. Du coup, le pays slalome entre déficits jumeaux, mesures d'austérité et grèves des fonctionnaires depuis des mois. "Le Tchad est à l'arrêt. On redoute le pire", déclare Maoundoé Decladore, porte-parole du collectif de la société civile "Ça doit changer!".
La crise et le mécontentement frappent le grand marché de N'Djamena. "Je passe toute une journée pour à peine 1.000 francs (1,50 Euro) de recette. Il n'y a pas d'argent. Les gens ne viennent pas", se plaint Fatime Zara, vendeuse de légumes d'une quarantaine d'années.
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Depuis septembre, les enseignants désertent les salles de classe à cause des arriérés de salaires de plusieurs mois. Beaucoup dans la société civile et l’opposition accusent la famille d’Idriss Déby et son ethnie, les Zaghawas, de s’être accaparé des richesses du pays et de l’argent du pétrole.
Jusqu’à présent, il n’y a toujours pas de rentrée scolaire, alors qu’elle était sensée avoir lieu il y a plus de trois mois. Certains craignent une année banche à tous les niveaux: primaire, secondaire et supérieur. La santé et la justice sont également touchées. Les malades de Ndjamena et du Sud du pays partent se soigner au Cameroun. Ceux du Nord n’ont pas cette chance et restenr souvent à domicile en attendant que la situation s’améliore. Au Tchad, plus d’un tiers des enfants de moins de 5 ans souffre d’un retard de croissance.
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Cette situation sociale explosive est du pain béni pour l’opposition. Elle demande "un dialogue inclusif". Son objectif n’est pas un dialogue qui lui permettrait de partager le pouvoir. L'opposition ne souhaite pas rejoindre un gouvernement d’union nationale, comme c’est la mode un peu partout sur le continent. Elle exige de nouvelles élections. Elle a convoqué mardi 22 novembre, une nouvelle "journée ville morte".
C’est l’occasion de remettre sur le tapis la réélection contestée d’Idriss Déby du mois d'avril dernier. Le président Tchadien avait obtenu près de 60% des voix, dès le premier tour, devant l'opposant Saleh Kebzabo (12%).
L'exemple burkinabè
Pour ce dernier, "Idriss Déby Itno est un président illégitime". Ambitieux, Kebzabo veut de nouvelles élections, d’où le fait de mettre la pression avec cette troisième journée ville morte en moins de 100 jours.
Quoi qu’il en soit, l’opposition tchadienne rêve d’une révolution comparable à celle du Burkina Faso qui a fait chuter Blaise Compaoré en novembre 2014. Roland Marchal estime que les Tchadiens veulent bien s’inspirer de l’exemple Burkinabè.
Néanmoins, Idriss Déby a le soutien de Paris et de Washington. La France et les Etats-Unis voient en lui un partenaire fidèle dans la lutte contre le terrorisme, notamment avec l’armée la plus fiable de la région. Il convient de rappeler que le QG de l'opération militaire française Barkhane contre les jihadistes au Sahel est installé à N'Djamena. Du coup, Déby a un accès privilégié à des informations stratégiques. Néanmoins, cette armée que l’on adule tant à l’extérieur du pays, souffre de son caractère ethnique. Il faut être zaghawa pour occuper un poste de responsabilité.