En une année courant d’août 2015 à août 2016, l’ONG Amnesty International a dénombré au moins 150 manifestants pacifiques pro-Biafra tués, notamment ceux du Peuple indigène du Biafra (IPOB) dans le sud-est du pays. Le communiqué rendu public jeudi 24 novembre 2016 parle "d’exécutions extrajudiciaires collectives imputables aux forces de sécurité" et de violences gratuites des militaires lors de manifestations. "L’armée a tiré à balles réelles sans sommation – ou presque – pour disperser les foules", affirme l’ONG qui s’est basée sur l’analyse de plusieurs témoignages photos et vidéos.
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Les choses ne risquent pas de s’arranger de sitôt. Car le gouvernement fédéral privilégie le bras de fer avec cette région historiquement indépendantiste. Les tensions sont montées d’un cran à la suite de l’arrestation du leader de l’IPOB, Nnamdi Kanu, le 14 octobre 2015. Cet homme est toujours en détention, rappelle Amnesty.
Rien que lors de la Journée de commémoration pour le Biafra, "soixante personnes ont été abattues en l’espace de deux jours (30 et 31 mai 2016)", souligne Amnesty. Il s’agit visiblement de "méthodes impulsives pour contrôler les foules". Le bilan réel pourrait être beaucoup plus élevé, craint Makmid Kamara, directeur par intérim d’Amnesty International Nigeria.
Il faut dire que le gouvernement n’a qu’une réponse face aux manifestants a priori pacifique. L’armée est systématiquement envoyée mater les protestataires. Ce qui est à l’origine des bains de sang. Les soldats ne sont pas formés pour encadrer les manifestations. En les envoyant armés de fusils prêts à l'emploi, on leur délivre un permis de tuer.
Ces répressions meurtrières rappellent le bilan de la guerre du Biafra qui du 6 juillet 1967 au 15 janvier 1970, avait fait un à deux millions de morts. Ce conflit avait été sous-tendu par une base ethnique et de mauvaises répartitions des richesses. Le Sud-est qui possède majoritairement le pétrole, le charbon et les minerais de ressources ne profite pas de cette manne. Au moment de l'indépendance, l’administration était entre les mains des Ibos, chrétiens de confession, qui avaient bénéficié d'une meilleure formation auprès des missionnaires. L’armée était entre les mains des Haoussas du Nord qui ont une longue tradition d’Etats musulmans guerriers. Les Yoruba, quant à eux, n’avaient pratiquement rien de consistant en matière de richesse ou de pouvoir. Dans un pays qui compte 150 éthnies, les dissensions ethniques peuvent facilement dégénérer.