C’est la chaîne française France 24 qui a été la première à s’intéresser au rôle trouble d’Alger dans la région saharo-sahélienne. Pourquoi un pays aux ressources financières importantes et qui consacre l’essentiel de son budget à l’achat d’arme "n’agit-il pas pour aider ses voisins à repousser l’offensive islamiste", s’interrogeait la chaîne. D’autant que cette attitude tranche diamétralement avec l’intervention musclée des forces spéciales algériennes lors de la prise d’otages du site gazier d’In Amenas qui avait fait des dizaines de morts. A l’époque, en 2013, faut-il le rappeler, c’est la katiba de l’Algérien Mokhtar Bel Mokhtar chef d’Al qaïda pour le Maghreb Islamiste qui avait mené l’attaque. Pourtant, pendant de longs mois, Alger qui le voyait agir au Mali, invitait plutôt le gouvernement Mali à négocier avec les rebelles touaregs qui s'étaient alliés avec lui par opportunisme. Aujourd’hui Mokhtar Bel Mokhtar vivrait tranquillement dans le sud de la Libye, non loin de la frontière algérienne.
Il y a un autre fait troublant qui est rapporté cette fois dans le quotidien français le Monde. En effet, "en 2014, alors qu’elle avait Iyad Ag-Ghali, chef du mouvement djihadiste malien Ansar Eddine à portée de fusil, la France a choisi de prendre l’avis d’Alger avant d’agir, plutôt que de le «neutraliser» ou de le capturer vivant". Mais, la réponse d’Alger et la suite donnée à cette affaire intriguent beaucoup. "Ne vous occupez pas d’Iyad. Nous en faisons notre affaire" : tel est le message envoyé aux Français. Et depuis, les djihadistes d’Ansar Dine ne cessent de donner du fil à retordre aux militaires maliens. Ces derniers mois, il ne se passe pas une semaine sans qu’on entende parler d’eux. Des dizaines de militaires maliens ou des forces de la Minusma sont mortes à cause de ses attaques.
Au même moment, le gouvernement de Bouteflika ne tient qu’à une chose : l’Accord signé à Alger. Or, pour la presse malienne c’est de notoriété publique que les rebelles ont toujours trouvé en l’Algérie, une oreille attentive voire un soutien.
Infographie: comment l'Algérie protège ses voisins de ses terroristes
Déjà en 2008, quand la rébellion malienne pouvait être réduite au silence par les armes, Alger poussait Bamako à ouvrir des négociations, selon Alhassane Maïga de Le challenger. " Il n’y a plus aucun doute, l’Algérie sert de base arrière aux bandits armés maliens. En témoigne le regroupement des chefs des bandits armés dans la capitale algérienne alors que Bamako avait entrepris de résoudre la question par la voix des armes. Ainsi au moment où l’armée malienne détruisait leurs bases, les bandits se réfugient dans ce pays voisin et exigent l’ouverture des négociations sous la houlette de l’Algérie", écrivait-il.
Pour comprendre ce double jeu, il faut interroger le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (Cesa), un think-tank basé à Washington. Il écrivait déjà en 2012 dans un rapport que : "l'Algérie a toujours craint d’être entraînée dans un bourbier saharien - un "Sahelistan" - alors qu'elle peine déjà à combattre les islamistes implantés sur son territoire, principalement en Kabylie. Si elle n’a pas réussi à éradiquer le terrorisme sur son propre sol durant les deux dernières décennies, comment pourrait-elle y parvenir dans la région ?".
Mais peut-être bien qu’il y ait une raison, plus idéologique et moins stratégique. En effet, Alger se comporte avec tous ses voisins de la sorte. Avec le Maroc, c’est bien Alger qui entretient et soutient les rebelles du Polisario. Avec le Mali, il ne faut pas s’attendre à une attitude différente. Les séquelles de la guerre d’indépendance sont toujours présentes. Et Alger voudrait bien qu’elle fasse école afin de créer de petits Etats satellites qui ne pourrait pas se passer de son influence. Le terrorisme et la rébellion ont de beaux jours devant eux dans la région.