Kiosque le360afrique. Malgré les nombreuses mises en garde, Jacob Zuma a osé franchir le Rubicon. Partisans comme opposants les plus farouches, marchés comme investisseurs lui avaient demandé de ne jamais toucher à Pravin Gordhan qui était le véritable garant de la rigueur budgétaire et le signe qu'il y avait encore un semblant de démocratique dans le pays. L'ex-ministre des Finances représentait également, au sein de l'ANC, la frange la plus opposée à Zuma.
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Mais cette nuit du jeudi 30 au vendredi 31 mars, le président sud-africain a mis à exécution la mesure que tout le monde redoutait déjà. Par un surprenant remaniement, il débarque 20 ministres, dont bien évidemment Pravin Gordhan, rompant le fragile équilibre qui l'a maintenu jusqu'ici à la tête de l'Afrique du Sud. Il a déclenché "l’ouverture des hostilités avec ses opposants, ses ennemis, au risque de les aider à se liguer contre lui. Un mécanisme s’est mis en mouvement. Des engrenages grincent.", estime le journal Le Monde. Désormais, les contestataires au sein de l'ANC font entendre leur voix, alors que le pays est gagné par ce doux sentiment mêlant doute et espoir qu'enfin Zuma va rendre le tablier.
L'Alliance tripartite vole en éclats
Zuma est un vieux briscard, voire un lascard, de la politique sud-africaine qui entend les enterrer tous à coups de magouilles et de mesures populistes. A présent qu'il a mis la main sur les finances, la tâche lui sera plus facile. Il faudra cependant qu'il passe sur le corps des responsables syndicaux de la Cosatu. Il s'agit de la centrale qui a été associée à toutes les luttes de l'African national congress (ANC), le parti de Mandela. La Cosatu a justement fourbi ses armes contre Zuma dont elle demande le départ. Ce dernier "n’est plus la personne qui convient pour unifier et mener l’action du gouvernement, l’alliance [tripartite ANC-Cosatu-Parti communiste, ndlr] et le pays", estime Bheki Ntshalinshali, le secrétaire général de la centrale. Même les dissidents de la Cosatu qui ont mis en place leur propre parti réclament la tête de Zuma.
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Cette puissante centrale qui est associée à la gestion du pays depuis 1994, dans le cadre de l'Alliance tripartite, ne fait qu'apporter de l'eau au moulin d'éminentes personnalités. Il y a d'abord Pravin Gordhan, "l’homme replet, aux costumes de banquier et au visage de joueur de poker", comme le décrit Le Monde. Aussitôt débarqué, il s'est découvert un penchant de vrai militant et ne cesse d'appeler à la mobilisation. C'est assez inédit vu qu'il fait partie de ceux qui avaient élu Zuma. Et la liste des mastodontes de l'ANC qui sont sur la même ligne est longue. Zweli Mkhize, trésorier général ou Gwede Mantashe, le secrétaire général en font partie.
Il reste donc le South african communist party (SACP) qui a d'ores et déjà choisi son camp en se rangeant du côté de Cyril Ramaphosa. C'est un coup dur pour Zuma qui voudrait bien que Nkosazana Dlamini-Zuma, son ex-femme et mère de quelques-uns de ses enfants, lui succède.
Un vieux baobab
Mais Zuma a la peau dure, il surfe à travers les scandales et les procès ayant prouvé sa culpabilité, sans jamais tomber. Il a les deux ligues des femmes et de la jeunesse du parti avec lui. A l'intérieur du pays, le monde rural lui est acquis. Au Kwazulu Natal par exemple, les chefs traditionnels sont bien contents de l'avoir. La région a bénéficié des largesses de Zuma depuis qu'il est au pouvoir en 2009. Or, dans ces contrées-là, le bruit des manifestants de Pretoria, Cape Town, ou Jo'Burg est peu audible. C'est d'autant plus vrai que Zuma est un populiste qui sait bien manipuler le citoyen lambda. Par exemple, en annonçant une réforme agraire de type Robert Mugabe, qui consiste à prendre aux blancs pour donner aux noirs, il a tout le soutien de l'arrière-pays sud-africain.
C'est dire qu'il sera difficile d'ébranler le président Zuma. Même les agences de notation n'y sont pas arrivées. Standard & Poor's a dégradé la note sud-africaine après la nomination de Malusi Gigaba, "Zuma boy", par excellence, novice en finance. Cependant, l'homme est décrit comme pouvant aller à l'essentiel comme il le dit lui-même. Il compte mener les "réformes radicales" de Zuma, quitte à "déplaire souverainement".
Ce n'est pas en secouant un vieux baobab qu'on parviendra à le faire tomber. Zuma compte sur ses qualités de populiste et ses talents de démagogue pour regarder passer le énième orage de son règne.