Cameroun. Crise anglophone: conciliabules pour un retour à la paix

DR

Le 20/06/2017 à 16h51, mis à jour le 20/06/2017 à 17h08

La Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM) a arrêté un plan d'action sur 18 mois, la semaine dernière à Yaoundé. Ce, pour tenter de mettre fin à la crise et de calmer les esprits parmi les anglophones qui dénoncent leur marginalisation.

Au même titre que la guerre contre Boko Haram, la crise anglophone est désormais un boulet que traîne l’Etat du Cameroun. Et ça dure depuis novembre 2016.

Au départ, il s’agissait d’une simple revendication pour une parité entre les deux langues officielles, le français et l’anglais. Aujourd’hui, des esprits sécessionnistes tirent les ficelles, tapis dans l’ombre. Les violences sont tout aussi sournoises: menaces et agressions physiques d’élèves qui reprennent le chemin des classes et de commerçants n’observant pas les recommandations «villes mortes», incendies d’édifices publics, d'écoles et de centres d’examens officiels.

Si les enseignants ont plus ou moins repris du service en cette fin d’année scolaire, les avocats, avec qui ils ont lancé le débrayage, boycottent encore les tribunaux. La plupart revendiquent la libération immédiate et sans condition de leurs collègues écroués en qualité de «leaders des violences». Sauf que ces derniers risquent la peine de mort ou l’emprisonnement à vie, selon les conclusions de leur dernière audience, tenue il y a moins de 10 jours au tribunal militaire à Yaoundé.

C’est dans ce contexte qu’a été créée en janvier 2017, par décret présidentiel, la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM). Regroupant 15 membres, cette instance est présidée par Peter Mafany Musonge, ancien Premier ministre originaire de la région anglophone du Sud-Ouest. La CNPBM a tenu sa 2e session à Yaoundé mercredi dernier. Un plan d’action sur 18 mois (juin 2017 à décembre 2018) a été arrêté.

En tête des priorités, il y a le maintien de la paix au Cameroun. Précisément, la reprise des activités dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Pour ce faire, la «Commission Musongue» envisage une mission de facilitation sur le terrain en vue de la résolution de la crise socio-éducative et économique dans ces deux régions. Il va s’agir de dialogues, de concertations et de négociations avec les leaders sociaux, chefs traditionnels, etc.

Il faut dire que les anglophones n’occupent que 20% du territoire camerounais, soit deux régions (Nord-Ouest et Sud-Ouest) sur les 10 que compte le pays. Mais les dispositions de la Constitution camerounaise sont claires: le français et l’anglais sont deux langues officielles d’égale valeur.

Hélas, dans les faits, cela n'a jamais été le cas jusqu’ici. D’où les revendications lancées, criant à la marginalisation du peuple anglophone. Sur le coup, les pouvoirs publics n’ont pas pris la pleine mesure de la situation. Pire, un certain Paul Atanga Nji, anglophone du Nord-Ouest, par ailleurs ministre chargé de missions à la présidence de la République a jeté de l’huile sur le feu, affirmant qu’«il n’y a pas de problème anglophone au Cameroun». 

Des sécessionnistes ont fait leur apparition, revendiquant cette fois un Etat anglophone. Un drapeau a même été érigé à Bamenda, chef-lieu de la région du Nord-Ouest, la plus virulente. Les forces de maintien de l’ordre ont malheureusement cédé à la provocation de la population. Des images d’étudiants tabassés se sont retrouvées en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. Des images d’autres cieux, mettant en scène des affrontements entre policiers et civils, ont été reprises, laissant croire qu’elles venaient de Bamenda.

Des missions diplomatiques présentes à Yaoundé, notamment celles des USA et des Nations unies, sont intervenues dans les négociations entre pouvoirs publics et leaders syndicaux. Le gouvernement a finalement accédé à la quasi-totalité des revendications, portant entre autres sur la traduction de certains textes en anglais, le recrutement d’enseignants anglophones pour les écoles de la région et la création de structures de formation pour les pratiquants de cette deuxième langue.

Mais le problème n’est manifestement plus un problème de langue. Certains veulent tout simplement la scission du pays en deux. D’ailleurs, le 20 mai 2017, fête de l’unité nationale, a été boycotté par des partis politiques anglophones, notamment le Social democratic front (SDF) dont le Nord-Ouest est le principal bastion.

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 20/06/2017 à 16h51, mis à jour le 20/06/2017 à 17h08