Cameroun. Crise anglophone: le gouvernement s’explique à l’international

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Le 14/08/2017 à 17h16, mis à jour le 14/08/2017 à 19h58

Sur instructions du président, des missions ont été engagées dans certains pays pour rendre compte de la situation dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest, en proie aux revendications des syndicats d’enseignants et d’avocats. Les pro-sécessionnistes n'ont pas raté l'occasion.

La crise «anglophone» au Cameroun a franchit ces derniers jours un nouveau pallier en s’invitant à l’international. En effet, la semaine dernière, des individus apparemment membres de la diaspora camerounaise au Canada et pro-sécessionnistes, ont investi les locaux de la mission diplomatique du pays à Ottawa. Sur des vidéos abondamment partagées sur les réseaux sociaux, on les voit descendre le drapeau camerounais et hisser un morceau d’étoffe assimilé à celui de l’«Ambazonie», du nom d’une pseudo république séparatiste autoproclamée. Celle-ci serait constituée des régions anglophones du Cameroun, notamment de celles du Nord-Ouest et du Sud-ouest.

Cet acte se produit alors que le gouvernement camerounais communique à l’international, au sujet de la situation dans les deux régions anglophones, celles du nord-ouest et du sud-ouest. Ces dernières sont en proie depuis quelques mois, aux revendications des syndicats d’enseignants et d’avocats. Une crise qui a été récupérée par certains mouvements sécessionnistes réclamant l’indépendance de la partie anglophone du pays.

C’est ainsi que des missions d’explications ont été conduites dans différents pays : Afrique du sud, Nigéria, Etats-Unis, Europe, etc. «Il était question aussi de profiter de notre présence pour présenter ce qui se passe et les solutions apportées par le gouvernement, sur hautes instructions du chef de l’Etat le président Paul Biya pour résoudre le problème qui se pose dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest», explique Joseph Dion Ngute, ministre délégué auprès du ministre des relations extérieures. Il est aussi chargé de la coopération avec le Commonwealth et chef de la délégation dépêchée en Afrique du Sud.

Dans ce pays, quelques incidents ont émaillé la mission dans les locaux de la représentation diplomatique camerounaise. Un épisode largement repris par les réseaux sociaux qui ont publié des photos de casses, ayant prétendument eu lieu en Afrique du Sud.

Mais, dans le quotidien Cameroon Tribune, Joseph Dion Ngute a minimisé l’incident. «Nous avons trouvé sur place de nombreux compatriotes qui voulaient savoir ce qui se passe. Nous étions en train de leur expliquer la situation avec les mesures prises. Vers la fin de la rencontre, il y a eu des gens qui sont venus perturber ladite rencontre. Pour nous, il n’y a rien d’étrange. Avec les médias sociaux, certains ont cru amplifier ce léger incident. On a même parlé de morts, de casses très graves et que moi-même j’aurais été admis dans une formation hospitalière de la place», affirme-t-il. Des sympathisants de la cause «anglophone» ou des pro-sécessionnistes semblent en tout cas profiter de ces missions pour des coups d’éclat médiatique et faire parler d’eux. Des incidents auraient également été enregistrés en Allemagne.

Sur place au pays, la situation reste délicate. Le Cameroon Anglophone Civil Society Consortium a annoncé l’extension de son mouvement de «villes mortes» du lundi au mercredi chaque semaine, à partir du lundi 14 août 2017 et ce, jusqu’au 4 octobre 2017.

Pendant ce temps, les leaders et hommes politiques se mobilisent pour faciliter la reprise effective des cours à la rentrée scolaire en septembre prochain. L’année académique a été très perturbée dans les deux régions l’année dernière, du fait de cette «crise anglophone». Certains établissements scolaires ont d’ailleurs annoncés une remise sur les frais de scolarité au profit des élèves dont l’année scolaire 2016/2017 a été perturbée.

Cependant, un collège de la Cameroon Baptist Convention, une congrégation religieuse, a été incendié le dimanche 13 août dernier à Bamenda. On ignore toujours s’il s’agit d’un acte criminel ou non. Cependant, cet évènement a de quoi jeter davantage d’inquiétudes sur la prochaine année académique.

Par ailleurs, l’importante cache d’armes de pointe découverte récemment dans la région du Nord-Ouest du pays et le démantèlement d’un commando d’un groupe sécessionniste prêt à passer à l’action montrent que la crise couve toujours.

Malgré des concessions faites par le gouvernement au sujet des revendications des syndicats d’enseignants et d’avocats, la tension n’a pas l’air de faiblir. Elle semble même se radicaliser, du point de vue des sécessionnistes. Ce qui suscite des inquiétudes sur la stabilité du pays, dans un contexte marqué par un ralentissement économique et la guerre contre la secte terroriste Boko-Haram dans la partie septentrionale du pays, qui mobilise de nombreux moyens.

Si d’aucuns craignent la naissance d’une rébellion armée dans les parties anglophones du pays qui ouvrirait un autre front, les forces de défense camerounaises ont jusqu’ici, réussi à contenir la menace, qui semble se faire de plus en plus précise.

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 14/08/2017 à 17h16, mis à jour le 14/08/2017 à 19h58