"Enfin, nous entrons dans une nouvelle ère !", s'exclame un habitant croisé dans les rues de Harare, la capitale zimbabwéenne. "Nous sommes contents de ce qui se passe", exulte Keresenzia Moyo, 65 ans. "On a besoin de changement dans ce pays, notre situation est pathétique, notre économie en plein marasme". Cette femme au foyer croisée par une agence de presse à la sortie d'un hôpital se réjouit que le bras de fer se joue "au sommet et n'affecte pas les gens de base".
Il ne fait aucun doute que le Zimbabwe veut tourner la page Mugabe, une page longue de 37 ans qui a mené le pays au bord de la ruine. Au moment où cet article est mis en ligne, jeudi 16 novembre à 15h20 temps universel, Mugabe faisait encore de la résistance, refusant de démissionner. Donc la page n'est pas encore tournée. Mais quand bien même il abdiquerait, l'avenir sera-t-il meilleur pour les Zimbabwéens? Rien n'est moins sûr, puisque tout porte à croire que l'armée soutient l'ancien vice-président Emmerson Mnangagwa, qui risque de remplacer Mugabe à la tête du pays. Or Mnangagwa est loin d'être un enfant de chœur.
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Les zimbabwéens le surnomment "Lacoste" en référence à son caractère impitoyable de "crocodile", autre sobriquet dont il est affublé. Ce florilège d'appellations peu flatteuses donne une idée de la nature de la personne qui a intégré la lutte d'indépendance dès l'âge de 22 ans et n'a cessé d'occuper de hautes fonctions au sein des gouvernements successifs après l'indépendance.
Il a notamment été ministre de la Défense et a dirigé les services secrets zimbabwéens, deux fonctions qui lui ont permis de placer ses propres hommes et de maîtriser les rouages de l'Etat, ainsi que le ventre mou du système Mugabe. Mnangagwa connaissait parfaitement les ambitions de la première dame Grace Mugabe, c'est pourquoi il a noué de solides alliances au sein de l'armée, où les généraux sont principalement des vétérans de la guerre d'indépendance, comme lui.
Croire que ce coup de force ouvre une nouvelle ère pour les Zimbabwéens, c'est aller vite en besogne. Car l'armée n'est intervenue que pour défendre les intérêts d'un clan, les vétérans, voire d'un homme, Mnangagwa et contre les ambitions démesurées d'une femme, Grace Mugabe et de son fameux groupe de partisans, le G40.
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C'est ce qui explique que tous les hommes interpellés et séquestrés par les militaires sont des partisans de la femme de Robert Mugabe au sein de la Zanu-PF, le parti au pouvoir.
Mnangagwa ne s'est jamais opposé à l'idéologie politique de Mugabe, qui consistait à écarter les riches fermiers blancs au profit des vétérans de la guerre d'indépendance. Il n'a jamais désapprouvé la répression quelquefois sanglante des manifestations de l'opposition. Pourquoi les choses devraient-elles changer?