Algérie: une dangereuse querelle de chapelle réveille les démons des années 1990

Les Salafistes algériens sont de plus en nombreux et leurs sorties commencent à inquiéter.

Les Salafistes algériens sont de plus en nombreux et leurs sorties commencent à inquiéter. . DR

Le 31/03/2018 à 15h44, mis à jour le 31/03/2018 à 15h44

Les Salafistes tiennent des propos on ne peut plus virulents contre les autres branches de l'islam à l'Algérienne, les considérant hors de la Sunnah du Prophète. Du coup, les Frères musulmans, proches de leurs confrères égyptiens ont une réaction épidermique. Tout ceci sent un conflit importé.

Au crépuscule du régime d'Abdelaziz Bouteflika, l'Algérie ressemble en tous points à un capharnaüm où tout le monde est contre chacun. Dans ce contexte où les deux principaux alliés au pouvoir, à savoir le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND) sont à couteaux tirés, ne se parlant que par presse interposée, les gourous religieux placent subrepticement leurs pions.

Or, en Algérie, quand il est question de Salafistes et de Frères musulmans, les vieux démons de la guerre civile des années 1990 ne tardent pas à se réveiller.

En tout cas l'inquiétude est vive depuis que le cheikh Mohamed Ali Ferkous, leader des salafistes, a fait une sortie inquiétante contre les autres courants religieux du pays. Cheikh Ferkous, qui publie régulièrement des message et qui convertit de plus en plus d'Algériens au salafisme le plus rigoureux issu des thèses wahhabites, avait exclu récemment des peuples de la Sunnah, la tradition du Prophète Mohammed, l'ensemble des branches religieuses algériennes. 

Le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, n'a pas hésité à dénoncer publiquement ces propos qu'il juge dangereux et contraires à la concorde religieuse algérienne. Selon la presse électronique, Mohamed Aïssa brandit la menace d'une censure du site internet du cheikh salafiste qui est sont principal canal de communication. Il aurait même saisi le ministre des Postes et des technologies de l'information et de la communication. 

Si les choses s'en était arrêtées là, tout aurait pu rentrer dans l'ordre. Mais, c'est beaucoup plus grave que cela, puisque les Frères musulmans, courant très puissant en Algérie, mais importé d'Egyte, se sont sentis visés. Ainsi, Abderrazzak Mokri, chef du Mouvement de la société pour la paix, proches des islamistes égyptiens, a tenu de son côté des propos non moins virulents contre le leader salafiste. Il l'accuse d'être à la tête d'un mouvement madkhaliste, ce qui signifie littéralement "venu de l'étranger". Selon un autre site algérien, il aurait souligné le "caractère hautement takfiriste" de la secte salafiste. Un tel qualificaif, signifiant mécréant, sonne presque comme une insulte à l'oreille de Mohamed Ali Ferkous.

Ce n'est pas une simple querelle de chapelle à laquelle on assiste, mais il faut y voir les relents des conflits actuellement au Moyen-Orient. En effet, les Frères musulmans d'Egypte sont les ennemis jurés des wahhabites saoudiens, depuis que Mohamed Morsi a été chassé du pouvoir par Abdelfattah al-Sissi. Le président égyptien est l'allié des Saoudiens et l'ennemi juré des Frères musulmans, dont le leader croupis dans les geôles du régime. Alors, ces déclarations des uns et des autres, à plusieurs milliers de kilomètres du Moyen-Orient, doivent être analysées dans ce contexte lointain. 

Les Algériens savent, en plus, que quand la religion commence à sortir du cercle privé pour s'ériger en donneur de leçon, elle ne tardera pas à s'immiscer dans la politique. Du coup, le spectre du conflit des années 1990 ressurgit. Ce débat malsain n'inquiète pas seulement le ministre des Affaires religieuses. L'armée algérienne le suit de très près car, au final, c'est elle qui est concernée au premier chef. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 31/03/2018 à 15h44, mis à jour le 31/03/2018 à 15h44