Dès l'ouverture des 11.076 bureaux à 06h00 locales (04h00 GMT), les Burundais ont afflué aux urnes pour ce référendum. Quelque 4,8 millions d'électeurs doivent s'exprimer par référendum sur cette réforme qui consacre définitivement la dérive totalitaire du pouvoir observée ces trois dernières années.
Le bulletin de vote ne comporte pas de question. Seule apparaît la mention "référendum constitutionnel de la République du Burundi de mai 2018", avec les cases oui et non ("Ego" et "Oya", en kirundi) à remplir.
Plusieurs centaines de personnes sont arrivées avant l’aube au centre de vote de l’école primaire de Ngozi II, dans la province du même nom (nord) d'où est originaire le président Nkurunziza, a constaté un photographe de l’AFP.
"Je suis venu à l’aube parce que j’étais impatient de voter pour le oui pour consolider l’indépendance et la souveraineté de notre pays", a déclaré à l’AFP un électeur, un cultivateur d’une trentaine d’années, disant porter le nom de Miburo.
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Willy Nyamitwe, le responsable de la communication présidentielle, a vanté sur Twitter l'entrain des Burundais, en évoquant de longues files d'attente à Bujumbura.
Cet enthousiasme n'est cependant pas forcément spontané. Selon un cadre du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, les membres de ce parti ont reçu pour consigner de se présenter très tôt aux bureaux de vote.
Si elle est adoptée, la Constitution autorisera Nkurunziza, 54 ans et au pouvoir depuis 2005, à briguer deux mandats de sept ans à partir de 2020. L'issue du vote ne fait guère de doute tant les voix discordantes ont été étouffées.
Répression lors de la campagne
La campagne référendaire a été marquée par des enlèvements, meurtres et arrestations arbitraires, selon des organisations de défense des droits de l'Homme, qui dénoncent également l'absence de réel débat démocratique.
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"Le processus n'a réuni aucun des critères permettant de garantir sa crédibilité. Il a été ponctué d'injonctions, de menaces, d'intimidations et de répressions", a déploré Tchérina Jerolon, responsable adjointe du bureau Afrique de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH).
Le projet de révision a été condamné par la communauté internationale, dont l'Union européenne, premier donateur de ce pays, l'un des plus pauvres au monde, les États-Unis et l'Union africaine. Mais ces critiques n'ont pas suffi à infléchir la position du régime burundais.
Le Cnared, la principale plateforme de l'opposition en exil, a appelé au boycottage. A ses yeux, le texte, qui introduit des modifications d'ampleur, bouleverse l'architecture institutionnelle du pays, en signant "l'arrêt de mort" de l'accord de paix d'Arusha.
Signé en 2000, il avait ouvert la voie à la fin de la guerre civile (plus de 300.000 morts entre 1993 et 2006), en instaurant un système de partage du pouvoir entre les deux principales ethnies, Hutu et Tutsi. Il spécifie qu'aucun président ne peut diriger le Burundi plus de 10 ans.
Les partis d'opposition intérieurs et la coalition d'indépendants Amizero y'Abarundi (Espoir des Burundais) appellent à voter non, craignant des représailles s'ils se prononçaient en faveur de l'abstention, plus que tout redoutée par les autorités.
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Ce nouveau texte vise surtout à entériner la mainmise totale sur les institutions du CNDD-FDD et à concentrer encore plus le pouvoir exécutif dans les mains du président Nkurunziza.
Ni sécurité, ni démocratie
Depuis sa candidature à un troisième mandat en avril 2015, contestée par l'opposition, la société civile et une partie de son camp, il a mené une répression brutale, qui a fait au moins 1.200 morts et plus de 400.000 réfugiés.
La population vit dans la hantise des deux bras armés du régime: le Service national de renseignement (SNR), qui dépend directement du président, et les Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD-FDD, qualifiée de milice par l'ONU.
Des témoins ont ainsi affirmé à l’AFP que des Imbonerakure passaient jeudi matin de maison en maison en appelant les gens à aller voter dans les quartiers de Musaga et Kinama, à Bujumbura.
La Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur les exactions commises depuis 2015. Et l'opposition n'a de cesse de dénoncer la dérive autocratique et mystico-religieuse d'un dirigeant qui dit avoir été choisi par la volonté divine.
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L'accord d'Arusha prévoyait "le respect de la minorité politique, le partage du pouvoir mais aussi un encadrement du pouvoir de la majorité", relève Thierry Vircoulon, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
"(Il) donnait aux Tutsi la sécurité et aux Hutu la démocratie. Mais on sait maintenant que depuis 2015, il n'y a plus au Burundi ni sécurité ni démocratie (...) C'est pour ça que l'accord d'Arusha est déjà mort, et le référendum n'est que l'officialisation de son décès."
Le pouvoir a prévu un fort déploiement sécuritaire. Selon des témoins, des véhicules blindés, des soldats et policiers lourdement armés patrouillent à Bujumbura et dans les provinces frontalières.