Le président érythréen Issaias Afeworki et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ont signé dans la matinée dans la capitale érythréenne une "déclaration conjointe de paix et d'amitié", a annoncé le ministre érythréen de l'Information Yemane Gebremeskel. Ce texte déclare notamment que "l'état de guerre qui existait entre les deux pays est arrivé à sa fin. Une nouvelle ère de paix et d'amitié s'ouvre".
"Les deux pays oeuvreront à promouvoir une étroite coopération, dans les secteurs de la politique, de l'économie, du social, de la culture et de la sécurité", ajoute-t-il. Le document confirme la reprise du commerce, des transports et des télécommunications, le rétablissement des relations diplomatiques et la mise en oeuvre de l'accord international de 2000 sur la frontière commune.
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Des images de la cérémonie montrent MM. Issaias et Abiy attablés à un bureau en bois, avec en toile de fond, les drapeaux des deux pays, signant cette déclaration. Peu après, M. Abiy a quitté l'Érythrée pour rentrer à Addis Abeba au terme d'une visite de deux jours. Pour la première rencontre depuis 20 ans entre les deux plus hauts dirigeants érythréen et éthiopien, la délégation éthiopienne avait reçu un accueil chaleureux dans les rues d'Asmara.
"Nous nous sommes mis d'accord pour la reprise du trafic aérien et naval, pour la circulation des personnes entre nos deux pays et la réouverture des ambassades", avait déclaré dimanche soir M. Abiy lors d'un dîner en son honneur. "Nous abattrons le mur et, avec amour, nous bâtirons un pont entre les deux pays", avait ajouté avec lyrisme le jeune Premier ministre, 42 ans, qui depuis sa nomination en avril a amorcé ce rapprochement entre les deux anciens frères ennemis.
Ce dégel a été lancé par son annonce en juin de la volonté de l'Éthiopie d'appliquer l'accord de paix signé en 2000 à Alger avec l'Érythrée et les conclusions de la commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière. L'Éthiopie et l'Érythrée se sont livré de 1998 à 2000 une meurtrière guerre conventionnelle, avec chars d'assaut et tranchées, qui a fait quelque 80.000 morts, notamment en raison d'un désaccord sur leur frontière commune.
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Le refus éthiopien d'appliquer une décision en 2002 d'une commission soutenue par l'ONU sur le tracé de la frontière a, entre autres, entretenu une longue animosité entre les deux pays. Le rétablissement des liens diplomatiques et commerciaux après des années d'hostilité pourraient profiter aux deux voisins et à toute la Corne de l'Afrique, rongée par les conflits et la pauvreté.
Autrefois façade maritime de l'Éthiopie avec les ports de Massawa et d'Assab, l'Érythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme de trois décennies de guerre. L'indépendance de l'Érythrée a privé l'Éthiopie de tout accès à la mer et l'a forcée à s'appuyer presque exclusivement sur Djibouti pour son commerce maritime.
L'accès de l'Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, aux ports érythréens devrait stimuler l'économie des deux pays, tout en menaçant l'hégémonie de Djibouti. La liberté de mouvement des deux côtés de la frontière permettra la réunion de deux peuples, liés par une histoire, une langue et une ethnicité communes, et de familles séparées depuis plus de 20 ans.
Les principaux dirigeants est-africains ont salué ces avancées. "Nous vous félicitons et nous sommes avec vous", a déclaré sur Twitter le président rwandais Paul Kagame, à l'attention de MM. Issaias et Abiy.
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Le président kényan Uhuru Kenyatta les a aussi félicités "pour avoir choisi la voie de la discussion et commencé le voyage de l'amitié". Depuis sa nomination, M. Abiy a lancé un train de réformes sans précédent depuis plus de 25 ans dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique.
Il a décidé la libéralisation partielle de l'économie, la remise en liberté de dissidents politiques, dénoncé le recours à la torture par les forces de sécurité et annoncé sa volonté de mettre à un terme à plusieurs décennies d'hostilité avec l'Érythrée. En répondant à cette main tendue, le président Issaias a lui tranché avec ses habituelles diatribes. A la tête depuis 1993 d'un des régimes les plus fermés et les plus répressifs au monde, il justifiait depuis des années l'emprisonnement de dissidents et la conscription obligatoire par la nécessité de se défendre contre l'Éthiopie.