Le plus grand pays d'Afrique sub-saharienne (2,3 millions de km2), qui n'a jamais connu de transition démocratique et pacifique, aborde mercredi une étape cruciale de son processus électoral, avec l'ouverture du dépôt des candidatures à l'élection présidentielle jusqu'au 8 août.
Tous les yeux se tournent vers le "raïs" aux manières de sphinx, Joseph Kabila, qui jure son total respect pour la Constitution sans dire formellement qu'il quittera le pouvoir.
Selon une lecture littérale de la Constitution qu'il a lui-même promulguée, Kabila, élu en 2006 et réélu en 2011, ne peut pas se présenter à un troisième mandat.
Il est même hors mandat depuis la fin de son second quinquennat le 20 décembre 2016. La source de son pouvoir se trouve dans une disposition qui lui permet de rester "en fonction jusqu'à l'installation effective d'un successeur élu" et un accord politique du 31 décembre 2016.
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Toujours le plus jeune président du continent à 47 ans, Kabila n'a pas désigné de dauphin, et ses très nombreux adversaires le soupçonnent de vouloir se maintenir coûte que coûte.
Un très proche du président s'énerve: "Depuis 2006, le président Kabila a toujours été le dernier à déposer sa candidature. La stratégie sera la même pour son dauphin. Le président le prendra par la main et l'accompagnera au bureau de la commission électorale. Tout le monde constatera qu'il s'agit d'une autre personne et non de Kabila".
Et pourtant. Depuis des semaines, de hauts cadres de la majorité présidentielle entretiennent l'ambiguïté sur l'avenir du "raïs", en s'appuyant sur la thèse d'un juriste, Cyrus Mirindi, selon qui "le compteur (du nombre de mandat présidentiel) a été remis à zéro après la réforme constitutionnelle de 2011". Cette réforme avait modifié le mode de scrutin, en passant de deux à un tour.
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Particulièrement vigilante et très influente, l'église catholique a prévu trois jours de mobilisation du 12 au 14 août si le président Kabila se représentait.
Acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, l'ex-chef de guerre Jean-Pierre Bemba va faire son retour le 1er août à Kinshasa après onze ans d'absence en RDC. C'est en tous cas ce qu'annonce son parti qui l'a investi candidat à l'élection présidentielle. Il a déjà son passeport congolais, d'après une de ses proches.
En liberté provisoire et conditionnelle en Belgique - où il devrait donner une conférence de presse mardi après-midi -, Bemba est poursuivi par la CPI dans une affaire annexe pour subornation de témoins, dans laquelle le procureur a requis cinq ans de prison, sans donner de date pour le verdict.
En Belgique également se trouve un autre candidat déclaré, Moïse Katumbi, ex-proche de Kabila passé dans l'opposition en 2015 et en exil depuis mi-2016.
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Depuis, Katumbi annonce pratiquement chaque mois son retour en RDC où il a été condamné à trois ans de prison dans une affaire de spoliation immobilière dont il conteste tout fondement.
A la veille de l'ouverture du dépôt des candidatures, son avocat français Éric Dupont-Moretti annonce une conférence de presse mardi après-midi à Paris.
Des proches de Bemba et Katumbi ont déclaré lundi avec trois autres leaders de l'opposition qu'ils ne boycotteraient pas l'élection, mais qu'ils demandaient des préalables : retrait de Kabila, de la "machine à voter", et d'une dizaine de millions d'inscrits litigieux sur les listes électorales.
La publication provisoire des candidats est prévue le 24 août, avant la liste définitive le 19 septembre.
Le temps pour la commission électorale de vérifier si les candidats réunissent toutes les conditions, et qu'ils ont bien versé leur caution de 100.000 dollars. Des recours sont possibles devant la Cour constitutionnelle, où Kabila a nommé deux proches récemment parmi les neuf juges.
A l'approche de ces échéances, l'exécutif a aussi annoncé des nominations à la tête de l'armée, avec changement de chef d'état-major et promotion de deux officiers inscrits sur une liste noire américaine pour "des actions qui ont sapé le processus démocratique en RDC".