Comores: un référendum sous haute tension

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Le 30/07/2018 à 11h48, mis à jour le 30/07/2018 à 11h50

Les Comoriens ont commencé à voter dans un climat tendu lundi lors d'un référendum constitutionnel destiné à permettre au président et ancien putschiste Azali Assoumani de se représenter pour un deuxième mandat consécutif, un scrutin boycotté par l'opposition.

Les quelque 300.000 inscrits de ce petit archipel de l'océan Indien doivent répondre à la question "Approuvez-vous le projet portant révision de la Constitution du 23 décembre 2001 révisée en 2009 et en 2013 ?"

Ce projet renforce considérablement les pouvoirs du chef de l'Etat.

Il lui permet de se présenter pour un deuxième mandat consécutif de cinq ans alors que l’actuelle Constitution, qui a permis de ramener un peu de stabilité dans un pays secoué par une longue série de crises séparatistes et de coups d'Etat, l'interdit.

Le texte supprime aussi les postes de vice-présidents et la Cour constitutionnelle, la plus haute instance judiciaire de l'archipel. Enfin, il fait de l'islam la "religion d'Etat", dans ce pays où l'écrasante majorité de la population pratique un islam modéré.

Les opérations de vote ont débuté lundi avec près de deux heures de retard dans la capitale Moroni, en l'absence de matériel électoral à l'heure théorique de l'ouverture des bureaux de vote à 07h00 (04H00 GMT).

"C'est important de voter, c'est tout. C'est mon devoir", a expliqué Hassane Bounou, un des rares électeurs rencontrés par l'AFP.

En tout début de matinée, de nombreux bureaux de vote de la capitale étaient quasiment vides, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Le référendum, dont l'issue fait peu de doute en raison du boycott de l'opposition, se déroule sous haute tension.

Lundi, les urnes en plastique ont été saccagées dans deux bureaux de vote situés dans une école du quartier de Hankounou à Moroni, ont constaté des journalistes de l'AFP.

L'opposition a jugé le scrutin "illégal", refusé de participer à la campagne et appelé les électeurs à ne pas se déplacer.

"Le président Azali veut se tailler une Constitution sur mesure qui lui permet de faire ce que bon lui semble", a jugé le secrétaire général du parti Juwa (opposition), Ahmed el-Barwane.

"Il y a deux politiques, deux voies", a estimé de son côté le secrétaire général du parti présidentiel Renouveau des Comores (CRC), Yahaya Mohamed Illiase. "Celle de la construction prônée par le président Azali, ou celle de la destruction".

Climat délétère

Si le "oui" l'emporte, le président Azali Assoumani, élu de justesse en 2016, compte organiser dès 2019 une élection présidentielle anticipée, ce qui lui permettrait de rester au pouvoir jusqu'à au moins 2024.

Il a déjà occupé la fonction suprême de 1999 à 2006 à la suite d'un putsch, avant de céder démocratiquement le pouvoir.

L'organisation du référendum a accentué les tensions dans cet archipel pauvre de moins de 800.000 habitants, où l'opposition dénonce depuis des mois les "dérives autoritaires" du président.

Des opposants ont été arrêtés, des manifestations réprimées, l'ancien chef de l'Etat Ahmed Abdallah Sambi assigné à résidence et la Cour constitutionnelle suspendue.

"La stratégie de verrouillage de l’espace démocratique initiée par le pouvoir s’amplifie", se sont récemment inquiétées des organisations de la société civile dans un communiqué conjoint.

"Ce climat délétère, le peu d’enthousiasme du scrutin, ajoutés au fait que l’opposition et les organisations de la société civile ne seront pas présentes dans les structures électorales, font planer une grande incertitude sur l’issue et la transparence de ce référendum", ont-elles mis en garde.

"La situation peut déraper à tout moment", a prévenu un responsable des questions sécuritaires, sous couvert de l'anonymat.

Tentative d'assassinat

Signe des tensions dans l'archipel, l'un des vice-présidents, Abdou Moustoidrane, a été victime il y a une semaine d'une tentative d'assassinat. Sa voiture a essuyé plusieurs rafales d'arme automatique, il s'en est miraculeusement sorti indemne.

Les bureaux de vote doivent fermer lundi à 16h00 (13h00 GMT). Des petits avions ont été affrétés pour acheminer, une fois le vote terminé, les urnes des îles dans la capitale Moroni. Les résultats pourraient être connus dès la nuit de lundi à mardi.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 30/07/2018 à 11h48, mis à jour le 30/07/2018 à 11h50