Rwanda: l'opposante Diane Rwigara a été acquittée

L'opposante Diane Rwigara.

L'opposante Diane Rwigara.. DR

Le 06/12/2018 à 17h57

L'opposante rwandaise Diane Rwigara, critique du président Paul Kagame, a été acquittée jeudi par un tribunal de Kigali d'incitation à l'insurrection et falsification de documents, des charges qui lui ont valu d'être emprisonnée pendant plus d'un an et dénoncées comme politiques par l'intéressée.

"Les charges retenues par l'accusation sont sans fondement", a déclaré le juge président Xavier Ndahayo. La salle d'audience bondée, dans laquelle avaient notamment pris place des membres de la famille Rwigara, a laissé exploser sa joie une fois la lecture de la décision achevée.

Les cinq coaccusés de Mme Rwigara dans cette affaire, dont sa mère Adeline, ont également été acquittés.

"C'est la preuve que toutes ces charges retenues contre moi, ma mère et des membres de ma famille étaient montées de toute pièce", a réagi Diane Rwigara auprès de l'AFP. "J'ai l'énergie et le zèle pour continuer à me battre pour la liberté d'expression et les droits de l'Homme au Rwanda."

Le tribunal a estimé que les critiques de Diane Rwigara contre le gouvernement ne constituaient pas une "incitation à l'insurrection" car elles s'inscrivent dans le cadre de son droit à la liberté d'expression garantie par la Constitution rwandaise et les lois internationales.

Les juges ont également estimé que l'accusation n'avait pas prouvé que Mme Rwigara avait falsifié des signatures de partisans dans le dossier présenté à la commission électorale en vue de sa participation à la présidentielle de 2017. Le rejet de cette candidature avait été critiqué par des gouvernements occidentaux et des groupes de défense des droits de l'Homme.

Génocide

L'accusation avait requis 22 ans de prison contre Diane et sa mère.

Adeline Rwigara était accusée d'"incitation à l'insurrection et promotion du sectarisme", dans un pays encore hanté par le génocide de 1994 qui fit plus de 800.000 morts essentiellement parmi la minorité tutsi, notamment pour avoir accusé le gouvernement, dans des conversations WhatsApp privées, de la mort de son mari Assinapol Rwigara.

Diane Rwigara et sa mère avaient été arrêtées et emprisonnées en septembre 2017 puis remises en liberté sous caution début octobre 2018.

"Diane et Adeline Rwigara n'auraient jamais dû être poursuivies pour avoir exprimé leurs opinions", a réagi Amnesty International dans un communiqué, saluant l'acquittement.

"Nous restons préocuppés quant aux attaques qui continuent de viser le droit à la liberté d'expression au Rwanda", a ajouté l'ONG. "Nous appelons les autorités rwandaises à se servir de ce jugement pour se diriger vers une plus grande acceptation envers les opinions alternatives et critiques."

Le président Kagame, crédité du développement d'un pays exsangue au sortir du génocide, est régulièrement accusé de bafouer la liberté d'expression et de museler toute opposition.

Il a été réélu le 4 août 2017 pour un nouveau mandat de sept ans avec près de 99% des voix. Une réforme de la Constitution adoptée par référendum fin 2015 lui permet de potentiellement diriger le pays jusqu'en 2034.

Fortune

Diane Rwigara est la fille d'Assinapol Rwigara, un important entrepreneur rwandais qui avait, dans les années 1990, largement financé le Front patriotique rwandais (FPR) de Kagame avant que celui-ci ne renverse le pouvoir extrémiste hutu en juillet 1994, mettant fin au génocide.

L'opposante avait pris ses distances avec le FPR après le décès de son père en février 2015, dans un accident de la route, selon la police. Elle avait contesté cette version et dénoncé un "assassinat". Selon son frère installé aux Etats-Unis, Aristide Rwigara, le gouvernement tente en s'en prenant à sa famille de mettre la main sur la fortune de son père.

Depuis l'arrestation de Diane, des biens appartenant aux Rwigara ont été saisis et vendus aux enchères dans le cadre d'un redressement fiscal de plusieurs millions de dollars.

Peu avant la remise en liberté de Diane et Adeline Rwigara, le régime avait accordé en septembre une libération anticipée à Victoire Ingabire, une des principales figures de l'opposition rwandaise qui purgeait une peine de 15 ans de prison pour "conspiration contre les autorités" et "minimisation du génocide de 1994".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 06/12/2018 à 17h57