Tous les regards sont tournés vers la Commission électorale nationale indépendante (Céni) à Kinshasa qui a commencé mardi soir ses "délibérations" en réunion plénière, dernière ligne droite avant l'annonce des résultats provisoires de l'élection du 30 décembre.
"La Céni compte consacrer entre 24 et 48 heures à ce travail. C'est à l'issue de ce délai que la Céni va programmer la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle", a glissé son président Corneille Nangaa mardi soir.
La police stationne toujours mercredi matin devant le siège de la Céni dans le nord de Kinshasa. Un car de reportage de la télévision d'Etat RTNC stationne dans la cour.
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A ces détails près, la vie est normale dans la capitale où internet est tout de même coupé, comme dans le reste du pays, depuis le 31 décembre, au lendemain du vote.
La RDC vit une situation sans précédent depuis le retrait du président Joseph Kabila, qui a accepté de -ou s'est résigné à- ne pas briguer un troisième mandat interdit par la Constitution.
Ses prédécesseurs ont tous été renversés par la force, à commencer par son père Laurent-Désiré, assassiné par un garde du corps le 16 janvier 2001.
Les électeurs avaient le choix entre une transmission du pouvoir au "dauphin" du président Kabila, l'ex-ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, ou une alternance historique, conduite par l'un des deux candidats d'opposition, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi.
- Des gages à Kabila -
Certains de leur victoire, MM. Tshisekedi puis Fayulu ont demandé à la Céni de respecter sans tricherie le vote des Congolais.
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Ils ont aussi donné des gages à M. Kabila et à son entourage, dans l'hypothèse d'une éventuelle alternance inédite qui devrait être acceptée par tous les acteurs politiques, les forces de sécurité et les milieux d'affaires dans les mines.
"Il n'y a pas d'esprit de revanche", a assuré Félix Tshisekedi, affirmant s'inspirer de son père Étienne, décédé en 2017, candidat d'opposition en 2011 et fondateur du parti d'opposition UDPS dans les années 80.
M. Tshisekedi a de nouveau rendu hommage au président Kabila, dans un entretien à la radio congolaise Top Congo: "Il a accepté de ne pas briguer un troisième mandat. Il faut attendre pour savoir si la vérité des urnes a été dite. On lui rendra à ce moment-là encore hommage".
L'UDPS est en train de négocier avec l'actuel pouvoir, dénoncent les détracteurs de Félix Tshisekedi.
Aucun "deal" en cours, affirme un proche du candidat de l'UDPS: "Ces déclarations ne s'adressent pas au peuple congolais mais au président Kabila et à l'armée".
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D'après lui, il s'agissait de rassurer le président qu'en cas de victoire de M. Tshisekedi, il pourrait rester en RDC et jouir de ses avoirs et ses actifs (fermes, participation dans de nombreuses entreprises...) après les travaux d'une "commission" de réconciliation.
"M. Kabila est citoyen congolais. Il a sa place ici au Congo. Il fera ce qu'il voudra. La Constitution est claire. Il est sénateur à vie. Le maître mot chez nous: il n'y a pas de revanche", a également déclaré l'autre candidat d'opposition Martin Fayulu, sans aller jusqu'à rendre hommage à M. Kabila.
M. Fayulu est soutenu par l'ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, considéré comme un traître et un "Judas" par le président Kabila, et par l'ex-chef de guerre et vice-président Jean-Pierre Bemba.
MM. Katumbi (empêché selon lui de revenir en RDC) et Bemba (invalidé par la Cour constitutionnelle) n'ont pas pu se présenter à la présidentielle.
- Impatience dans le pays -
Selon une rumeur, M. Fayulu, s'il est élu, pourrait n'exercer le pouvoir que deux ans, avant de céder la place, peut-être à l'un de ses alliés.
"Je respecte la parole donnée. Certains ont été écartés. Pour être efficaces, il faut que tout le monde soit là", a-t-il déclaré sans autre précision sur la radio Top Congo.
L'impatience commence à se faire sentir dans tout le pays.
A Goma (est), les affaires tournent au ralenti aussi bien pour les modestes moto-taxis que pour les entrepreneurs: "Tout le monde garde son argent car la situation politique est incertaine", constate Joël Sikumoja, un homme d'affaires de 33 ans.
"Le fait qu'on cache le résultat, cela prouve de la tricherie qui s'organise. C'est vraiment malheureux", dénonce une étudiante. "Nous sommes dans l'impatience de connaître notre futur président. Nous avons voté. Nous avons le droit de savoir les résultats des urnes".