"La suspension du président de la Cour Suprême du Nigeria M. Onnoghen par le président Buhari est un acte digne d'une dictature (...), anti-démocratique", a dénoncé Atiku Abubakar, le principal adversaire de Muhammadu Buhari à la présidentielle du 16 février.
"J'appelle le juge Onnoghen et le monde judiciaire à faire barrage par tous les moyens légaux et constitutionnels" à cette décision, a ajouté M. Abubakar dans un communiqué.
"Cet acte de dictature éhonté est le dernier d'un viol constant de notre démocratie", a asséné le candidat du Parti Populaire Démocratique (PDP) et ancien vice-président sous Olusegun Obasanjo de 1999 à 2007.
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Le chef de l'Etat a suspendu vendredi après-midi Walter Samuel Nkanu Onnoghen de son poste de plus haut magistrat du pays, après une longue polémique sur son procès pour corruption, procès jugé inconstitutionnel par l'opposition.
Selon certains analystes et détracteurs du gouvernement, la manoeuvre vise à se débarrasser du juge suprême - notoirement critique du pouvoir actuel - avant les élections, alors que la Cour suprême est compétente pour régler les éventuels litiges liés aux résultats et peut ainsi être amenée à jouer un rôle clé dans les semaines à venir.
- Chasse aux sorcières -
En début de semaine, Atiku Abubakar, avait déjà accusé l'administration Buhari de "faire pression sur une institution gouvernementale indépendante et autonome pour faire démissionner (Onnoghen) ou le mettre à l'écart".
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Le président a nommé à la tête de la Cour suprême, président par intérim, Ibrahim Tanko Muhammad, un juge issu du Nord tout comme lui.
Son porte-parole a souligné que le président avait agi "sur ordre du Tribunal du code de conduite (CCT)", un tribunal créé spécialement pour juger les questions éthiques, où M. Onnoghen était poursuivi depuis une dizaine de jours pour ne pas avoir déclaré plusieurs comptes bancaires en dollars, euros et livres sterling.
Le président Buhari est régulièrement accusé par ses détracteurs de favoriser les musulmans issus de sa région aux postes clé: sécurité, renseignements, commission électorale.
Face à la polémique que l'affaire a déclenché, le président a justifié sa décision dans un communiqué, affirmant que "le gouvernement n'est pas satisfait du nombre alarmant de procès, qui, sous la direction du Juge Walter Onnoghen, ont conduit à la libération de personnes accusées des actes de corruption les plus graves".
L'ancien général, qui avait déjà dirigé le Nigeria en 1983 pendant les dictatures militaires, a été élu en 2015 sur la promesse d'éradiquer la corruption, ce "cancer" qui gangrène le premier producteur de pétrole du continent africain.
Mais "la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC) traduit en justice les accusés avant même d'avoir fait une enquête solide", affirme Saadatu Falila Hamu, avocate spécialisée basée à Abuja, ce qui explique selon elle pourquoi si peu de procès ont abouti pendant les quatre dernières années.
- "Panique" -
Début novembre, le directeur de l'EFCC, Ibrahim Magu, s'était félicité d'avoir saisi l'équivalent de 2,3 milliards de dollars, ainsi que des villas, bijoux, voitures..., souvent en dehors de toute procédure judiciaire.
Le gouvernement a été accusé de profiter de cette guerre contre la corruption pour mener une chasse aux sorcières contre ses opposants politiques.
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Selon la Constitution nigériane, le président ne peut renvoyer le plus haut magistrat qu'avec l'approbation des 2/3 du Sénat. Dans ce cas, M. Onnoghen n'a pas été renvoyé, mais "suspendu" par le chef de l'Etat.
Pour le politologue nigérian Cheta Nwanze, du cabinet SBM Intelligence à Lagos, ce coup de force est "l'indication claire que l'APC (Congrès des Progressistes, parti au pouvoir) est en train de paniquer" au sujet des résultats des élections.
"Atiku (son adversaire) a le soutien du secteur privé et son récent voyage aux Etats-Unis a été un tournant majeur dans la campagne", note l'analyste.
84 millions de Nigérians voteront le 16 février prochain pour choisir leurs président et parlementaires.
Muhammadu Buhari, 76 ans, et candidat à un second mandat, est fortement critiqué pour son bilan sécuritaire et économique.