Le Nigeria a voté samedi pour choisir son nouveau président, entre le chef de l'Etat sortant, Muhammadu Buhari, 76 ans, pour le Congrès des progressistes (APC) qui affronte l'ancien vice-président Atiku Abubakar, 72 ans (PDP), dans un scrutin dont l'organisation a été critiquée par les observateurs de la société civile et de l'Union européenne.
"C'est inacceptable", a lancé Uche Secondus, directeur de campagne du Parti populaire démocratique (PDP), alors que les résultats officiels ne devraient pas être connus avant mardi dans la journée.
"Cela va être difficile pour le pays tout entier d'accepter un tel niveau d'intimidation", a déclaré Secondus, sans dire néanmoins si le PDP envisageait de lancer des procédures judiciaires pour faire annuler l'élection.
"C'est comme si nous étions retournés à l'ère des régimes militaires, nous n'avons jamais vu ça", a-t-il asséné, soulignant que dans les bastions du PDP (Etat d'Abia), de nombreux bureaux de vote ont été ouverts très en retard ou ont été saccagés (Lagos).
La semaine dernière, le PDP avait déjà accusé Muhammadu Buhari, ancien général qui a dirigé une première fois le Nigeria en 1983 sous la dictature militaire, de "n'avoir jamais été un démocrate", après qu'il eut exhorté l'armée à tirer sur les fraudeurs pendant le vote.
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Mais le parti pouvoir a aussitôt réagi accusant le PDP de jouer un jeu "dangereux" en voulant "discréditer et déstabiliser" le processus électoral qu'il estime avoir été "largement conduit dans le calme et dans les temps".
"C'est un assaut sur notre démocratie, c'est un affront aux millions de Nigérians qui se sont réunis pour exercer leur devoir citoyen", écrit Festus Keyamo, dans un communiqué.
'Lésés'
Les résultats officiels provenant de 120.000 bureaux de vote doivent déjà être réunis au niveau des Etats, avant d'être acheminés vers Abuja.
Même s'ils n'ont pas été révélés officiellement, chaque camp avait annoncé sa victoire dès dimanche et s'accuse de sabotage et de tricherie.
Depuis lundi matin, Etat par Etat, parti par parti, L'INEC égrainait le nombre de votants et le nombre de voix recueillies dans les 36 Etats et dans à Abuja.
Les premiers résultats (6 Etats sur 36, ainsi que dans la capitale fédérale, Abuja, lundi en début de soirée), n'étaient toujours pas représentatifs, mais l'APC menait avec une légère avance de 55% par rapport à l'opposition.
L'opposition a toutefois gardé sa majorité dans la capitale fédérale, en remportant 61% des voix.
Les observateurs de l'Union européenne, qui ont également noté des "manquements opérationnels sérieux" dans le déroulement du scrutin, ont "invité les partis politiques ou les candidats qui s'estiment lésés à utiliser la voie de la justice".
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"La grande majorité des bureaux de vote ont ouvert très tard (...), le matériel manquait (...) créant de la confusion et des tensions", a rapporté Maria Arena, cheffe des observateurs de l'UE, lundi, faisant état de cas "d'intimidation et de violences".
Situation Room, groupe de la société civile nigériane qui avait déployé plus de 8.000 observateurs, a recensé au moins 39 morts depuis samedi dans des violences directement liées au vote, regrettant le "manque de compassion et d'intérêt de la classe politique à ce sujet".
Clement Nwankwo, coordonnateur de Situation Room, a également regretté qu'il y ait eu plusieurs cartons de bulletins sans empreinte comptabilisés (les électeurs nigérians apposent leur empreinte devant le parti de leur choix).
"Les problèmes logistiques ont été très importants", a-t-il confié à l'AFP.
"L'élection est un pas en arrière par rapport à l'élection générale de 2015", a conclu Situation Room.
Accord de paix
De son côté, le chef de la mission d'observation de l'Union africaine, l'ancien Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, a salué un vote qui s'est "globalement déroulé dans un climat de paix" malgré les retards.
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L'ambassadeur des Etats-Unis, allié historique du Nigeria, a également salué le calme relatif du déroulement du scrutin, et a demandé à tous les "candidats de se tenir à l'Accord de paix" signé quelques jours avant le vote, où ils s'engageient de respecter les résultats officiels.
Pour être élu dès le premier tour, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25% des voix dans les deux tiers des 36 Etats auxquels s'ajoute le territoire d'Abuja. Sinon un second tour devrait avoir lieu dans une semaine.
Parmi les régions clés qui pourraient déterminer l'issue de la présidentielle figurent notamment la capitale économique, Lagos, et l'Etat de Kano (nord), fort de 5,5 millions d’électeurs, qui avaient massivement plébiscité Muhammadu Buhari en 2015 face à l'ex-président Goodluck Jonathan, un chrétien issu du sud.
Dans un pays où le vote ethnique et religieux reste important, le suspense reste entier et l'issue de ce scrutin continue de diviser les experts, car cette fois, il oppose deux musulmans issus du nord.