"Je ne sais pas ce que c'est que de grandir dans une famille riche, mais je demanderai à mes enfants", peut-on lire sur le tableau noir du lycée More du township de Tlhabologang.
Mpho Nonyane vient d'y glisser son bulletin dans une urne. "Il y a vingt-cinq ans, on votait pour notre liberté", relève ce fonctionnaire noir de 33 ans. "Aujourd'hui, on vote pour la liberté économique. Le chemin est encore long".
En 1994, l'Afrique du Sud mettait un point final au régime raciste blanc de l'apartheid et tenait son premier scrutin démocratique.
Un quart de siècle plus tard, la majorité noire du pays a vu sa situation s'améliorer mais les inégalités sont restées criantes.
Endémique avec un taux national de 27%, le chômage frappe davantage les Noirs (30,5%) que les Blancs (8%). Le salaire mensuel d'un Blanc atteint 12.500 rands (770 euros), celui d'un Noir ne dépasse pas 3.000 rands (185 euros).
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"On veut des emplois", insiste un autre électeur noir de Coligny, Katlego Dikupe. "Parfois on n'a pas d'eau à Tlhabologang", ajoute ce chômeur de 20 ans. "Je voudrais vivre en ville, mais c'est trop cher. Les Noirs vivent dans les townships, les Blancs en ville". Comme du temps de l'apartheid.
Manque de confiance
En 2017, Coligny est devenue le symbole des tensions raciales ordinaires qui n'en finissent pas d'empoisonner l'Afrique du Sud.
La petite ville, coincée entre d'immenses silos à grains et une voie de chemin de fer, s'est embrasée après le meurtre d'un adolescent noir qui avait volé des plants de tournesols. Deux fermiers blancs ont été reconnus coupables de meurtre en mars dernier et condamnés à 23 et 18 ans de prison.
"On veut la stabilité et que tout le monde ait un boulot", explique Loekie Mans, une retraitée blanche de 65 ans, venue voter à l'aube naissante au Hoerskool (lycée) de Coligny.
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"Il y a de la criminalité parce que les gens n'ont pas de travail et de nourriture. Si j'avais des enfants et pas de nourriture, je volerai", avance-t-elle.
Dans le township, Tlhoiwa Shole, 80 ans, ne dit rien d'autre. "Nos enfants ont besoin de travail. Sinon ils deviennent des délinquants", constate-t-il en espérant que les élections amèneront "un changement".
James Thato a l'âge d'être son petit-fils. A 25 ans, il vote pour la deuxième fois. La première, en 2014, il avait choisi le Congrès national africain (ANC), au pouvoir de 1994.
Aujourd'hui il a voté pour le principal parti d'opposition. "Puisque je n'ai toujours pas de travail, je change de parti", explique-t-il.
James Thato dénonce le "manque de confiance" entre Noirs et Blancs. "Dans un supermarché en ville, les employés noirs doivent monter sur la balance à leur arrivée (au travail) et avant de partir" pour s'assurer qu'ils n'ont rien volé, affirme le jeune homme en casquette.
On ne peut pas vivre séparés
"Ici, des Blancs sont très durs, comme du temps de l'apartheid. Mais tous ne sont pas comme ça", précise-t-il aussitôt.
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Dans le township, des gamins se réchauffent en faisant un feu avec des détritus, d'autres improvisent un match de foot sur un terrain en terre battue aux buts sans filet.
Dans le centre-ville, Annette Hepburn, 55 ans, s'apprête à voter pour la première fois depuis un référendum de 1992 à l'époque réservé aux seuls Blancs.
"Le pays s'est transformé: il était formidable, aujourd'hui c'est terrible", affirme cette réceptionniste, dénonçant pèle-mêle les "assassinats de fermiers, les viols d'enfants, l'absence de respect".
"Je vote pour stopper l'ANC et l'EFF (Combattants pour la liberté économique, gauche raciale) qui vont prendre la terre des Blancs et les tuer encore plus", affirme-t-elle en référence à la politique d'expropriation sans compensation prônée par les deux partis.
Dans la même file d'attente, Gerhard Nieuwoudt se fait remarquer avec son style "hypster".
"Les gens qui ont vécu l'apartheid ont du mal avec la nouvelle Afrique du Sud", constate ce trentenaire. "Mais on ne peut pas à nouveau vivre séparés et contre les autres. (Etre ensemble) est la seule solution".