Aux cris de "Pouvoir civil, pouvoir civil", les Soudanais sont descendus dans la rue dans plusieurs villes pour réclamer un transfert du pouvoir aux civils, à l'appel de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation qui espère une mobilisation massive.
L'ampleur des manifestations pourrait être un test pour jauger la capacité des meneurs de la contestation à mobiliser. Mais aussi pour le Conseil militaire de transition, qui tient les rênes du pays depuis la destitution et l'arrestation le 11 avril par l'armée du président Omar el-Béchir.
Avant le début des rassemblements, plusieurs pays ainsi que des ONG ont appelé à la retenue, près d'un mois après la dispersion brutale le 3 juin d'un sit-in de manifestants devant le QG de l'armée à Khartoum, qui avait fait des dizaines de morts.
A Khartoum et dans les villes d'Omdourman, de Port-Soudan, d'Al-obeid, de Madani, de Kassala et de Khasma el-Girbade, les manifestants ont scandé des slogans révolutionnaires, selon les témoins.
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Dans des quartiers de Khartoum, où un important dispositif de sécurité a été mis en place, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants, ont indiqué des témoins. Les forces de sécurité ont également tiré des gaz lacrymogènes à Gadaref (est).
Brandissant des drapeaux soudanais et faisant le signe de la victoire, hommes et femmes ont envahi les rues du quartier d'al-Sahafa à Khartoum, selon un journaliste de l'AFP sur place. De nombreux magasins ont gardé leurs rideaux baissés.
"Pour les martyrs"
"Nous sommes ici pour les martyrs du sit-in. Nous voulons un Etat civil qui garantisse notre liberté. Nous voulons en finir avec la dictature militaire", a déclaré une manifestante, Zeinab, 23 ans.
"Personne n'a donné un mandat au Conseil militaire, tout le monde est contre le Conseil", a lancé un manifestant qui n'a pas voulu donner son nom, avant de crier "je suis le prochain martyr"!.
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En prévision des rassemblements, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF) ont été déployés sur plusieurs places de Khartoum, à bord de leurs habituelles camionnettes dotées de mitrailleuses.
Les autorités bloquent depuis des semaines l'accès à internet, outil stratégique pour mobiliser les manifestants dès le début du mouvement de contestation inédit au Soudan le 19 décembre 2018.
Ce mouvement a été déclenché initialement par le triplement du prix du pain dans un pays pauvre à l'économie exsangue. Les manifestations dans les villes soudanaises se sont ensuite transformées en contestation contre le pouvoir du général Béchir, qui dirigeait le pays d'une main de fer pendant près de trois décennies.
Epicentre de la contestation, le sit-in devant le QG de l'armée, entamé le 6 avril, a été brutalement dispersé le 3 juin. Au moins 128 personnes ont péri dans la répression qui a duré plusieurs jours, la grande majorité dans la dispersion du sit-in, selon des médecins proches de la contestation. Les autorités ont fait état de 61 morts.
Avertissement des généraux
Les RSF ont été accusées par les manifestants, des ONG et des experts, d'être à l'origine de cette dispersion.
Un comité d'investigation mis sur pied par le Conseil militaire a reconnu que des "officiers et des soldats" étaient impliqués dans la dispersion du sit-in, mais le Conseil militaire a assuré avoir donné l'ordre de mener une opération antidrogue dans un secteur voisin, qui a débordé et mal tourné.
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Samedi, les généraux ont averti qu'ils feraient porter à l'ALC "l'entière responsabilité" en cas de "perte humaine" ou de tout "acte de vandalisme" pendant les manifestations.
Dernièrement, les protestataires s'étaient contentés de petits rassemblements à Khartoum, parfois dispersés par les forces de sécurité.
Malgré le bras de fer, les chefs de la contestation et le Conseil militaire se disent ouverts à une reprise des négociations, à travers une médiation de l'Ethiopie et de l'Union africaine, pour dessiner les grandes lignes de la transition à venir.
Avant les manifestations de dimanche, l'Union européenne a affirmé qu'il était "du devoir du Conseil militaire d'assurer la sécurité de tous et de s'abstenir de tout recours à la violence contre les manifestants".
Pour Amnesty International, "le conseil militaire ne doit pas laisser le pays glisser vers plus de répression. Le monde observe".