Officiellement installé dans ses fonctions de chef de l’État par intérim le 9 avril dernier, lors d’un congrès réunissant les deux chambres parlementaire, Abdelkader Bensalah disposait d’un mandat de 90 jours.
Sa mission, durant son passage à la présidence, était de diriger le pays jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République démocratiquement élu, comme le stipule l’article 102 de la constitution algérienne.
Or, le 4 juillet dernier, (une date coïncidant avec le jour commémoratif de l’indépendance américaine) , était la date officiellement retenue pour la tenue d’élection.
Mais il n'en a rien été: le scrutin n’a pas eu lieu. L'explication en est que les manifestants, dans les rues depuis le 22 février dernier, considèrent, à raison, que la classe dirigeante, si désavoué et si décriée par le peuple algérien, est toujours en place. A leur tête celui qu'il n'hésitent plus à dénoncer aujourd'hui: le tout-puissant généralissime Ahmed Gaid Salah.
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Tout comme les manifestants, la classe politique a refusé de s’engager dans une bataille électorale, avec, au sommet de la pyramide (du moins officiellement), Abdelkader Bensalah, pur produit du système Bouteflika.
En réalité, cette situation n’est guère une surprise. Dès le 1er juin dernier, le vide constitutionnel était déjà installé. Le conseil constitutionnel avait alors émis un avis «autorisant» le président par intérim à rester au palais d’El Mouradia, le siège de la présidence. Argument avancé: celui de sa mission d’organiser une élection présidentielle, qui n’avait alors pas encore été accomplie.
La situation de vide constitutionnel qui se profilait alors a été anticipée dès le 1e juin dernier par le Conseil constitutionnel, lequel a émis un avis «autorisant» Abdelkader Bensalah à rester en poste au-delà de la date du mardi 9 juillet, sa mission étant, selon l’article 102 de la Constitution, d’organiser un scrutin présidentiel.
Mais revenons au 6 juin dernier -autre date-clé dans l'histoire contemporaine, le 6 juin 1944 étant celui du débarquement des alliés en Normandie, lors de la Seconde Guerre mondiale. Abdelkader Bensalah s’adresse alors au peuple algérien dans un discours télévisé,, au cours duquel il indique qu’il poursuivra sa mission à la tête de l’Etat, si anticonstitutionnelle soit cette décision.
Les Algériens sont alors confrontés à une prolongation du mandat de Abdelkader Bensalah sine die, et cette prolongation n'est pas prévue par la loi fondamentale du pays. Mais de fait, cette prolongation, aussi anticonstitutionnelle soit-elle, a pour objectif final de continuer à assurer la légalité à un maintien de Abdelkader Bensalah à la tête de l’État, aussi illégitime soit-il, en attendant une solution de sortie de crise.
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Une question demeure: à quoi donc est confronté un pays dont son chef de l’État est illégitime? En fait, la communauté internationale ne peut plus traiter avec un pays qui ne dispose pas d’une autorité légitime.
A titre de simple exemple, puisque le pouvoir algérien est illégitime, les diplomates et ambassadeurs étrangers n’ont plus à qui remettre leurs lettres de créances.
Les traités et les contrats internationaux, les échanges et accords sont, en outre, désormais compromis. Autrement dit, tout marché ou contrat conclu avec l’Etat algérien ne seront pas légal.
De facto, ils seront contestés au niveau du droit international et commercial. Du coup, aucune instance internationale ne voudra risquer sa renommée et sa crédibilité en coopérant avec une Algérie dépourvue de représentativité politique légitime.
Bien que le parlement algérien a toute légitimité jusqu’en 2022, de fait, le gouvernement actuel et le chef de l’Etat n'en ont aucune, leur mandat ayant touché à sa fin. Puisque le gouvernement algérien ne peut plus tenir ses Conseils des ministres en l’absence d’un président légitime, toute loi adoptée sera dès lors nulle et non avenue.
Quelles sont les conséquences de cette situation de facto pour le peuple algérien? Les Algériens sont désormais livrés à eux-mêmes, d’autant que le pouvoir en place n'a, aujourd'hui plus que jamais, plus aucune légitimité.
Le général Ahmed Gaïd Salah ne peut donc plus justifier de la légalité ou de la légitimité du pouvoir qu’il a mis en place.
Il est également certain qu'attendre que le général Ahmed Gaïd Salah abandonne le pouvoir qu'il s'est accaparé pour que l’Algérie débute enfin sa nécessaire transition démocratique, revient tout simplement, comme dans la pièce de théâtre de Samuel Beckett, à attendre Godot.